Pour se comprendre : parler le même langage (7)
Le contrat d’édition signé, le livre paru, la vie commerciale de l’œuvre commence. Imaginons que votre livre se vend bien et que, pour cette raison, des maisons d’édition étrangères sont intéressées à le traduire. Ou encore, que des maisons de production aimeraient en faire une adaptation cinématographique ou audiovisuelle. Ou enfin, qu’un théâtre souhaiterait en réaliser une adaptation dramatique. Ces différentes exploitations dérivées de votre œuvre sont prévues à votre contrat d’édition : après vous être informé de la capacité de votre éditeur à s’en charger adéquatement, soit vous lui avez concédé ces droits, soit vous en avez conservé certains, jugeant qu’il n’avait pas les ressources nécessaires pour les exploiter.
(Septième article d’une série sur notre Lexique des termes usuels des contrats d’édition et reddition de comptes.)
Par Danièle Simpson
Les droits dérivés : savoir ce que l’on accorde et pourquoi
Quant à la rémunération liée à l’exploitation des droits dérivés (ou connexes), l’UNEQ recommande, dans son Guide de lecture et d’évaluation d’un contrat d’édition (p. 10-11), que l’auteur reçoive « au moins 50 % des sommes perçues par l’éditeur. » Attention de ne pas accepter une formulation générale telle que : « L’auteur cède tous ses droits sur l’œuvre à l’éditeur pour toute la durée du droit d’auteur (au Canada, 50 ans) et pour le monde entier. » Notre conseillère juridique Me Véronyque Roy, dans son cours Les droits dérivés de l’œuvre littéraire mis en ligne sur notre plateforme L’auteur autonome, explique que dans un tel libellé « toute la propriété des droits, y compris celle des droits dérivés est incluse dans la cession ou a licence. » En somme, avant de céder un droit, insistez pour qu’il soit nommé et défini.
Méfiez-vous également, nous dit Me Roy, d’une formulation qui semble préciser quels sont les droits concédés, comme celle-ci, par exemple : « L’auteur concède une licence exclusive sur tous les droits d’exploitation du texte, y compris les droits suivants… » En effet, écrit-elle, « que les différentes exploitations soient inscrites ou non dans la liste des droits détaillés par la suite, elles y sont néanmoins incluses dans la formulation tous les droits d’exploitation ». Pour exclure des droits, il faut spécifier de quels droits il s’agit.
Une œuvre à plusieurs créateurs
À qui appartiennent les droits dérivés d’une œuvre illustrée ou écrite à plusieurs ? La question est d’autant plus importante qu’il peut y avoir, dans le cas des livres illustrés, des exploitations de l’œuvre qui concernent à la fois l’auteur et l’illustrateur. Me Roy donne l’exemple suivant : « Si une compagnie veut fabriquer des napperons sur lesquels apparaissent les images du livre et les noms des personnages, cette compagnie doit avoir l’autorisation tant de celui qui détient les droits sur les caractéristiques des personnages (l’auteur) que de celui qui les a mis en images (l’illustrateur) ». Il faut donc que le partage soit discuté entre les deux créateurs avant la signature et clairement énoncé dans le contrat d’édition.
La définition d’une œuvre collective ou écrite à plusieurs mains est définie à l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur, comme suit : « Œuvre exécutée par la collaboration de deux ou plusieurs auteurs, et dans laquelle la part créée par l’un n’est pas distincte de celle créée par l’autre ou les autres. (work of joint authorship) ». Tous les auteurs concernés doivent donc approuver les différentes exploitations de l’œuvre puisqu’elle appartient à tous.
Les différentes sortes d’adaptation
Me Roy, dans son cours Les droits dérivés de l’œuvre littéraire, explique de façon approfondie en quoi consistent les adaptations théâtrales et audiovisuelles ainsi que les produits dérivés qu’on peut tirer d’une œuvre. Les membres de l’UNEQ ont accès à cette formation dans la Zone membres. En voici un bref résumé.
L’adaptation théâtrale : lorsqu’un producteur de théâtre veut adapter une œuvre littéraire, il doit demander les droits à l’éditeur, commander une adaptation et signer un contrat de production avec le titulaire des droits sur l’œuvre originale et l’adaptateur. Si c’est l’écrivain qui a trouvé le producteur, il devra signer avec ce dernier et avec son éditeur un contrat de licence de représentation publique. Les redevances se situeront entre 10 % et 12 % des recettes du guichet et seront partagées entre le titulaire des droits et l’auteur du texte de théâtre.
L’adaptation audiovisuelle : une adaptation audiovisuelle réunit plusieurs collaborateurs, dont le producteur, qui est le gestionnaire de la production et qui signe d’abord un contrat d’option pour réserver pendant une période donnée le droit de faire des démarches de financement en vue de réaliser l’œuvre audiovisuelle, et le scénariste, qui peut travailler seul ou avec l’auteur de l’œuvre initiale. Si ce dernier ne participe pas au travail de scénarisation, il devrait, à tout le moins, exiger un droit d’approbation du scénario, sur la base du respect de ses droits moraux.
Les produits dérivés. Me Roy en donne la définition suivante : ce sont des « objets physiques, fabriqués et mis en vente en lien avec une œuvre, le plus souvent littéraire ou audiovisuelle ». Ce peut être, par exemple, une figurine représentant le héros d’une bande dessinée. Pour ces produits, l’auteur devrait recevoir 50 % des recettes nettes de l’éditeur. À noter que le fabricant du produit dérivé et l’éditeur doivent s’assurer de respecter le droit moral de l’auteur et de faire en sorte que le produit ne nuise pas à sa réputation ni à l’intégrité de l’œuvre. Encore une fois, il vaut mieux inscrire au contrat le droit pour l’auteur d’approuver le produit dérivé qui sera mis en vente.
L’impact du numérique sur les droits dérivés
La production d’un livre numérique n’est pas une production dérivée de l’œuvre initiale. Il s’agit plutôt d’un nouveau format. En revanche, le numérique permet toutes sortes d’exploitations qui n’existaient pas auparavant : produits multimédias, jeux vidéo, animations sur le web, etc. Plus la technologie se développera, plus le nombre de ces exploitations augmentera. Ce n’est pas une raison pour accorder des droits pour des exploitations à venir ou à découvrir, bien au contraire. Encore une fois, il est important de préciser dans le contrat avec l’éditeur les droits dérivés qui lui sont accordés.
En conclusion, Me Roy conseille aux auteurs de rester, autant que possible, propriétaires des droits sur leurs œuvres et d’inclure dans leur contrat la mention suivante : « L’autorisation de l’auteur est obligatoire pour toute exploitation de l’œuvre ou pour toute cession à des tiers ».
Il ne faut pas oublier que lorsqu’un contrat d’édition vient à échéance, tous les droits sont rétrocédés à l’auteur, quelle que soit la raison de cette fin de contrat. Toutefois, si l’éditeur a accordé des licences à des tiers, celles-ci restent en vigueur, mais c’est à l’auteur, en tant que titulaire des droits, que les redevances devront alors être versées.
Dans le prochain article, nous analyserons les exceptions au droit d’auteur, en particulier celles qui affectent les écrivains.
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Le Lexique des termes usuels des contrats d’édition et reddition de comptes (PDF)
Le communiqué de presse sur le Lexique