Aux origines de l’UNEQ
Le 40e anniversaire de l’UNEQ, en cette année 2017, est l’occasion de remonter le temps jusqu’à la conception, la vie intra-utérine et la naissance de l’organisation. Qui a eu l’idée de créer une Union des écrivains ? Comment ce syndicat professionnel a-t-il pris forme ? Souvenirs et anecdotes.
La première réunion de fondation de ce qui deviendra l’UNEQ se déroule le 29 octobre 1976 dans une certaine clandestinité, les écrivains utilisant sans permission une salle du premier sous-sol de Radio-Canada, à Montréal. Il semble que personne ne les dérange puisque la réunion se déroule sans encombre de 16 h à 22 h.
Sur une quarantaine d’écrivains invités à prendre connaissance d’un document de travail, une vingtaine se présentent : Hubert Aquin, Yves Beauchemin, Gérard Bessette, Jacques Brault, Roch Carrier, Jean-Yves Collette, Nicole Deschamps, François Hébert, Claude Jasmin, Wilfrid Lemoine, André Major, Robert Marteau, Emile Martel, Pierre Morency, Jean-Marie Poupart, François Ricard, Yvon Rivard, Jean Royer, Georges-André Vachon et Pierre Vadeboncoeur. Jacques Godbout préside l’assemblée.
« Plusieurs tentatives, depuis une dizaine d’années, de réunir les écrivains du Québec ont avorté, pour des raisons à la fois de conflit idéologique, et de naïveté », indique le procès-verbal de la réunion. « L’Association que nous proposons prend pour acquis la maturité de ses membres ».
L’assemblée suggère deux noms pour l’organisme : l’Union des écrivains du Québec et la Maison des Écrivains du Québec. La première appellation est adoptée à la quasi-unanimité.
Les objectifs généraux de l’Union sont d’emblée définis (et demeurent les mêmes aujourd’hui) : « représenter les écrivains, promouvoir leurs intérêts professionnels, moraux et économiques, et plus globalement travailler à l’épanouissement de la littérature québécoise ».
Dix objectifs « particuliers » sont également débattus — ils font presque tous partie de la mission de l’UNEQ en 2017 : représenter les écrivains auprès des pouvoirs publics, élaborer un contrat d’édition qui respecte les droits des écrivains, offrir des services juridiques, favoriser les échanges et accueillir des écrivains étrangers, organiser des rencontres professionnelles, etc.
L’essayiste Pierre Vadeboncoeur, avocat de formation qui a travaillé pendant 25 ans à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), a pour mandat d’examiner « le type d’incorporation qui conviendrait à la nature et aux objectifs de l’Union ».
L’assemblée s’entend pour que le critère d’admission à l’Union soit la publication de « deux ouvrages encore disponibles chez un éditeur professionnel » et que l’auteur d’un seul ouvrage « pourrait être admis à titre de membre associé ou à un titre à déterminer ».
La cotisation proposée est substantielle : 100 $ par année. (Si cette cotisation avait suivi le taux d’inflation pendant les 40 années qui ont suivi, elle aurait progressé de 316 % pour s’établir à 416 $ ! Au moment d’écrire ces lignes, en mars 2017, les membres de l’UNEQ paient une cotisation variant de 110 $ à 150 $ selon leur statut.)
Les membres pourront payer leur cotisation en un, deux ou trois versements, spécifie le procès-verbal de la réunion du 29 octobre 1976 : « Comme au magasin. »
Un conseil provisoire est élu : Jacques Godbout, André Major et Pierre Morency doivent piloter la venue au monde de l’Union des écrivains du Québec.
Vers un syndicat professionnel
Le 19 novembre 1976, le conseil provisoire se réunit pour, notamment, discuter de recrutement.
Le procès-verbal de la réunion suivante, tenue le 17 décembre 1976, indique que le conseil provisoire retient la recommandation de Pierre Vadeboncoeur de créer un syndicat professionnel.
« Hubert Aquin, cloué au lit, se désolait de son absence » à cette réunion, note le procès-verbal. Trois mois plus tard, l’écrivain mettra fin à ses jours…
L’Union voit le jour
La première assemblée de l’Union des écrivains québécois, qui marque sa naissance officielle, se déroule le 21 mars 1977 à la Maison Ludger-Duvernay, sur la rue Sherbrooke.
L’ordre du jour se concentre sur la logistique : incorporation, règlements, élection d’un conseil d’administration, avantages fiscaux, comités de travail, etc. Wilfrid Lemoine préside l’assemblée.
Le premier conseil d’administration élu est formé de Jacques Godbout (président), André Major (secrétaire), Nicole Brossard (directrice), Marcel Godin (directeur) et Pierre Morency (directeur pour la région de Québec).
Il est déjà question du « problème des photocopies d’œuvres d’écrivains » dans les institutions d’enseignement et d’autres organisations. L’assemblée se préoccupe même de la reproduction d’œuvres sur « les cassettes, la vidéo, etc. » (Le paiement de redevances sur la photocopie d’œuvres littéraires sera l’un des chevaux de bataille de l’UNEQ pendant les années qui suivront. Un système de droits de reprographie prendra forme au milieu des années 1980 pour devenir Copibec en 1997, grâce au travail conjoint de l’UNEQ et de l’Association nationale des éditeurs de livres.)
Un autre débat à l’assemblée du 21 mars 1977, sur le financement de l’Union, n’aura pas de suites : Marcel Godin suggère « de prélever un certain pourcentage des profits au moment de l’édition pour faire des fonds pour l’Union, comme ça se fait ailleurs. »
Un an plus tard…
En mars 1978, l’Union vole de ses propres ailes. Elle rassemble 141 membres, soit l’essentiel des écrivains québécois. (Environ 200 écrivains ont publié un titre de fiction au Québec entre 1976 et 1980, selon le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec édité par Fides.)
Le secrétariat est situé au 964, rue Cherrier, non loin du parc La Fontaine, où le secrétaire général Jean-Yves Collette et son adjoint Michel Gay assurent l’administration. Parmi les dossiers chauds en 1978 : la promotion de la littérature québécoise dans les salons du livre, à la télévision et auprès des enseignants de français ; la négociation de compensations financières aux écrivains pour la présence de leurs livres en bibliothèque et pour la photocopie de leurs œuvres ; la révision de la politique d’aide aux écrivains du ministère des Affaires culturelles du Québec.
Saluons la détermination et l’efficacité des fondateurs de l’UNEQ, qui ont réussi à bâtir une organisation représentative et solide en moins de deux ans.