On voit souvent le romancier au cinéma lorsqu’une de ses œuvres est portée à l’écran. Le roman est en effet l’une des grandes inspirations du cinéma et les adaptations ne se comptent plus. Mais qu’en est-il de la relation inverse ?

Le cinéma inspire-t-il les romanciers ? Le langage du film peut-il se frayer un chemin jusqu’à l’écriture romanesque ? Pour explorer ces questions, la Cinémathèque québécoise et l’UNEQ invitent quatre romancières à évoquer l’influence du cinéma sur une ou plusieurs de leurs œuvres en choisissant un film qui a laissé des traces plus ou moins visibles dans un de leurs livres. Ces traces peuvent se situer dans la thématique, dans le récit ou dans le rythme du roman, par exemple.

Se sont succédées, dans la Salle principale de la Cinémathèque québécoise, les romancières Anaïs Barbeau-Lavalette, Dominique Scali, Perrine Leblanc et Réjane Bougé. Claire Legendre ferme le bal de cette troisième saison avec le film Bad Lieutenant d’Abel Ferrara.

Droits d’entrée

• Étudiants : 9 $
• Adultes : 10 $
• 65 ans et plus : 9 $

Claire Legendre

Claire Legendre est originaire de Nice en France. Elle a vécu à Rome et à Prague avant de s’établir à Montréal où elle est professeure de création littéraire à l’Université de Montréal depuis 2011. Elle a publié une dizaine de livres, de l’autofiction au roman noir, dont Viande, Vérité et amour, La méthode Stanislavski, L’écorchée vive ainsi que Le nénuphar et l’araignée. Making-of est son premier roman, déjà paru en France en 1998.

J’ai écrit Making-of l’année de mes 18 ans, inspirée par la figure d’un cinéaste new-yorkais qui incarnait la décadence des 90’s. Abel Ferrara avait déjà réalisé l’incontournable Bad Lieutenant (1992), mettant en scène Harvey Keitel en flic violent et corrompu, The Addiction (1995), avec Christopher Walken en dealer-vampire, Dangerous game (1993), avec Madonna en actrice incandescente maltraitée par son metteur en scène.

Explorant les frontières du bien et du mal, Ferrara se présente comme un catholique qui a perdu la foi. Son cinéma frôle toujours la limite du kitsch, du mauvais goût, dérange profondément et s’en remet à la grâce, à la rédemption. La drogue et le sexe y sont présents comme des motifs, un étourdissement qui échoue à sauver ses héros de l’ennui, mais qui les ramène parfois, comme une marée, vers une idée du bien qui les transcende. Il y a quelques années Ferrara a quitté les États-Unis pour l’Italie, son dernier film en date est un biopic de Pasolini qui prouve qu’il n’a rien perdu de son soufre.

En 1997, j’ai croisé Ferrara au Festival de Cannes où il présentait The Blackout avec Béatrice Dalle. L’écriture de Making-of était déjà bien avancée, le film a été comme une confirmation, un encouragement à poursuivre sur la voie d’une écriture concrète, cinématographique, qui montre sans décrire, et tisse le fil d’une intrigue dont chaque indice est donné par une voix différente. L’histoire d’un artiste prêt à tuer pour faire un film. Je rêvais de mes personnages la nuit : Caïn Shoeshine, le cinéaste, mais aussi ses muses : Pamela, Elena, Annabella, Britta, Samantha… autant de victimes amoureuses d’un Barbe-bleue moderne. J’ai joué avec les clichés du genre, et de l’époque, pour les détourner et en rire jusqu’à se faire peur.

Claire Legendre

Making-of (Hamac, 2017)

Bastien Salamandre, jeune journaliste français, est envoyé à New York pour interviewer Caïn Shoeshine, un cinéaste indépendant aussi dangereux que fascinant. Lorsqu’il parvient à le rencontrer, c’est pour tomber dans une sorte de chaos, une tanière d’ogre remplie de femmes et d’alcool, mais surtout, imprégnée du mystère de la création, avec ses secrets et ses terreurs gravés sur pellicule. (Source :  Éditions Hamac)

Bad Lieutnant

Réalisation :  Abel Ferrara (États-Unis, 1992, 98 min., VOA), avec Harvey Keitel, Frankie Thorn, Victor Argo.

Un flic pourri et drogué accumule les dettes. Lorsqu’une nonne est violée par deux hommes dans une église, celle-ci place une récompense sur la tête des deux criminels. Le Lieutenant voulant payer les dettes qui mettent en danger sa propre vie, décide de rechercher les criminels, tel un chasseur de primes. Sa descente aux enfers ne verra plus de fin… (Source : Allociné)