Droit d’auteur : l’UNEQ et l’ANEL déplorent les propos de la ministre Hélène David
Montréal, 9 décembre 2016 — C’est avec consternation que l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) ont pris connaissance des déclarations sur le droit d’auteur de la ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Hélène David, le 9 décembre à l’Assemblée nationale.
Non seulement la ministre a soutenu que l’Université Laval respecte le droit d’auteur malgré le litige qui l’oppose à Copibec, mais elle a également remis en question la pertinence même de Copibec.
« Depuis l’introduction en 2012 des exceptions permises par la loi fédérale sur le droit d’auteur, les pertes au Québec se chiffrent à plus de 1,6 million $ pour les ayants droit d’œuvres littéraires », déplore la présidente de l’UNEQ, Réjane Bougé. « Et les pertes grimperont en flèche si le milieu de l’éducation suit le mauvais exemple de l’Université Laval et tourne le dos à la gestion collective. Il est donc inacceptable que la ministre responsable de l’Enseignement supérieur n’intervienne pas pour assurer le respect du droit d’auteur dans le secteur universitaire et que de plus, elle fonde sa position sur des informations erronées. »
L’ANEL, par la voix de son directeur général Richard Prieur, s’est dite « étonnée de constater que la ministre David questionne la pertinence de Copibec, un outil collectif mis en place par les écrivaines, écrivains et éditeurs québécois et qui a toujours collaboré étroitement avec les titulaires du ministère de l’Éducation au Québec », ajoutant : « L’ANEL espère d’ailleurs que cette déclaration de la Ministre ne constitue pas une approbation de la loi canadienne sur le droit d’auteur, décriée unanimement au Québec en 2012 lors de son adoption et pointée du doigt partout à l’international par les défenseurs du droit d’auteur. »
En mai 2014, l’Université Laval a décidé de ne pas renouveler la licence qu’elle détenait avec Copibec (la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction, qui verse des redevances aux écrivains, éditeurs, journalistes et artistes en arts visuels), décrétant unilatéralement et sans validation des tribunaux que la notion d’utilisation équitable incluse dans la Loi sur le droit d’auteur modifiée en 2012 donnait à ses enseignants le droit de reproduire 10 % d’une œuvre ou un chapitre entier. De plus, dans son « Guide du droit d’auteur », l’Université insiste sur le fait que les enseignants doivent se prévaloir de la plus avantageuse des possibilités offertes.
Les échanges à l’Assemblée nationale
Vendredi matin, à l’Assemblée, la ministre répondait à une question de la députée d’Iberville Claire Samson (Coalition Avenir Québec) : « Est-ce que la ministre va envoyer une directive claire aux universités québécoises pour s’assurer qu’on respecte les créateurs et qu’on paie les droits d’auteur qui leur reviennent ? » La députée faisait référence au litige qui oppose Copibec et l’Université Laval. « Et justement, hier, Copibec entreprenait les négociations pour le renouvellement de sa licence avec les autres universités québécoises et le cas Laval est une menace qui plane au-dessus des négociations », a-t-elle souligné.
« C’est tout à fait en accord avec le principe des droits d’auteur du gouvernement fédéral », a répondu la ministre Hélène David à propos de l’Université Laval.
La députée a répliqué que l’Université Laval reproduit annuellement plus de 11 millions de pages extraites de plus de 7 000 ouvrages sans verser un seul sou à personne et qu’il est estimé que depuis 2014, environ un demi-million de dollars par année auraient dû être payés par l’Université Laval à Copibec. Or, de septembre 2014 à mars 2016, l’université reconnait n’avoir versé que 158 000 $ à différents auteurs.
Lorsque Claire Samson a demandé à la ministre Hélène David si elle allait s’assurer qu’au Québec on respecte les créateurs et qu’on paie les droits qui leur reviennent, celle-ci lui a répondu que même si le droit d’auteur était important, il n’était peut-être pas nécessaire que le paiement des redevances soit la responsabilité de Copibec, qu’elle a décrite comme une entreprise alors qu’il s’agit d’un OSBL.
Nous reproduisons ci-dessous les échanges entre la députée et la ministre (tirés du Journal des débats de l’Assemblée Nationale, 9 décembre 2016, à 10 h 50.)
À propos de l’UNEQ
Créée en 1977, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois regroupe plus de 1 600 poètes, romanciers, auteurs dramatiques, essayistes, auteurs pour jeunes publics et auteurs d’ouvrages scientifiques et pratiques. L’UNEQ travaille à la promotion et à la diffusion de la littérature québécoise, au Québec, au Canada et à l’étranger, de même qu’à la défense des droits socioéconomiques des écrivains.
À propos de l’ANEL
Créée en 1992 et regroupant une centaine de maisons d’édition littéraire, culturelle, générale et scolaire de langue française, l’Association nationale des éditeurs de livres encourage le développement d’une édition nationale et favorise sa promotion et sa diffusion. Elle prône la liberté d’expression, le respect du droit d’auteur et l’accès universel au livre comme soutien à la connaissance et outil d’apprentissage. L’ANEL est l’organisme de représentation de l’édition de langue française dans le milieu culturel et auprès des instances politiques.
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Claire Samson : En 2014, l’Université Laval prenait la décision malheureuse de ne pas renouveler son entente avec Copibec pour le versement des droits d’auteur. L’Université Laval est, en fait, la seule université québécoise à avoir agi de la sorte. Elle a fait cavalier seul et elle a ainsi privé des créateurs, des auteurs et des chercheurs de centaines de milliers de dollars en droits d’auteur, de l’argent qui leur est dû.
Notre ministre de l’Éducation supérieure, qui est aussi l’ex-ministre de la Culture, se disait jusqu’à hier à la défense des créateurs québécois. L’occasion est belle aujourd’hui de passer de la parole aux actes. Et, justement, hier Copibec entreprenait les négociations pour le renouvellement de sa licence avec les autres universités québécoises, et le cas Laval est une menace qui plane au-dessus des négociations.
Est-ce que la ministre va envoyer une directive claire aux universités québécoises pour s’assurer qu’on respecte les créateurs et qu’on paie les droits d’auteur qui leur reviennent ?
Hélène David : Alors, la question de Copibec est une question qui existe dans le milieu de l’enseignement ; pas seulement dans le milieu de l’enseignement, mais qui existe, dans le milieu des universités, depuis un certain nombre d’années. Et effectivement l’Université Laval a décidé de prendre les mêmes règles d’application que la règle des droits d’auteur qui a été passée du côté d’Ottawa. Et d’autres universités sont restées avec Copibec.
Mais, si vous demandez à l’Université Laval… si vous regardez la façon dont fonctionne l’Université Laval, les critères sont respectés, les critères en fonction de la… de la… justement du respect des droits d’auteur. Allez regarder ce que fait l’Université Laval. Avez-vous lu ce que fait l’Université Laval, par rapport à ce qu’exige Copibec, avec d’autres, dans un contrat ? Ce sont des choses tout à fait comparables et tout à fait respectueuses (…) des droits d’auteur. L’Université Laval, vous irez regarder comment ils ont installé leur organisation pour respecter les droits d’auteur, et c’est tout à fait en accord avec le principe des droits d’auteur du gouvernement fédéral.
Claire Samson : (…) l’Université Laval reproduit, annuellement, plus de 11 millions de pages extraites de plus de 7 000 ouvrages, sans verser un seul sou à personne. Depuis 2014, il est estimé qu’environ un demi-million de dollars par année est le coût qu’aurait dû payer l’Université Laval à Copibec. Or, de septembre 2014 à mars 2016, elle affirme avoir versé 158 000 $ à différents auteurs, pas un demi-million. On voit bien que l’université…
Hélène David : Écoutez, on ira vérifier les chiffres. Je le ferai en toute collaboration avec ma collègue si on veut aller vérifier les chiffres. J’avais vérifié avec l’Université Laval et on m’avait dit effectivement que les droits étaient entièrement respectés. Je suis tout à fait d’accord pour aller vérifier les chiffres, mais on vérifiera aussi les autres universités, puis on vérifiera la différence entre Copibec et le modèle Laval qui est un modèle qui n’est pas illégal, qui est un modèle, justement, où… ils ont un système où ils prennent directement la loi fédérale et ils l’appliquent. Et j’irai vérifier les chiffres avec ma collègue si elle veut.
Claire Samson : On voit bien que l’Université Laval a réussi à faire des économies monstres, mais sur le dos de qui (…) ? Sur le dos des créateurs. L’Université Laval a en même temps dépensé 560 000 $ pour des conseils en relations publiques de la firme National, et là elle va se péter les bretelles parce qu’elle fait des économies sur le dos des auteurs. Une directive claire doit être envoyée tout de suite à toutes les universités pour que les droits d’auteur soient respectés. Est-ce que la ministre de l’Éducation et son collègue de la Culture vont s’assurer qu’au Québec on respecte les créateurs et qu’on paie les droits qui leur reviennent ?
Hélène David : Bien, ça va me faire un grand plaisir (…) de travailler avec mon collègue de la Culture sur cette question-là parce qu’effectivement la question des droits d’auteur est une question importante. Est-ce que ça doit toujours passer par Copibec ? Parce que je pense que c’est ça dont vous parlez. La question, c’est de donner les droits d’auteur aux gens qui méritent effectivement des droits d’auteur. Est-ce que ça doit passer par une entreprise ? Ça, c’est une autre question que vous n’abordez pas. Pour la question de National, je l’ai dit moi-même, ça pourrait passer en appel d’offres, et on n’est pas particulièrement heureux quand on voit autant de contrats qui peuvent être donnés comme ça à des firmes pour des contrats de communication.
Source : Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)
Contact : Jean-Sébastien Marsan, directeur des communications
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