Les principaux problèmes contractuels
(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, avril 2014. Mise à jour : 13 novembre 2018.)
Chaque année, une centaine d’écrivains se tournent vers l’Union pour obtenir des réponses à leurs questions sur le droit d’auteur et les relations avec les éditeurs.
Geneviève Lauzon, directrice des services aux membres de l’UNEQ, reçoit plusieurs demandes de nature légale de la part d’écrivains chaque par semaine. Si les écrivains de la relève constituent la moitié des demandeurs, l’autre moitié est composée d’écrivains professionnels, bien installés dans leur carrière. Même si le secrétariat de l’UNEQ est en mesure de répondre à la plupart des questions, un quart d’entre elles requiert néanmoins les compétences d’un conseiller juridique.
Les affaires dans les règles de l’art ?
L’UNEQ a pour mission de défendre les droits socio-économiques des écrivains. C’est ce point de vue qui a guidé son analyse des clauses contenues dans plus d’une cinquantaine de contrats d’édition qui lui ont été remis par des membres au cours des trois dernières années.
Certaines lui ont paru abusives parce qu’elles favorisaient l’éditeur au détriment de l’auteur plutôt que d’établir entre eux un rapport d’égalité. La cession complète et illimitée du droit d’auteur en est un exemple et pourtant, elle se retrouve dans 75 % des contrats étudiés. La cession est habituellement formulée de la manière suivante : « L’auteur cède à l’éditeur pour toute la durée du droit d’auteur et dans le monde entier… ». Et si, pour diverses raisons, l’auteur souhaitait rééditer ses titres chez un autre éditeur, que ferait-il ? Plus la licence ou cession sera courte, mieux ce sera.
À cette clause s’ajoute, dans 60 % des cas répertoriés, une étendue de l’entente que l’UNEQ juge aussi abusive. Elle concerne la cession de droits encore inexistants, comme stipulé dans cet exemple : « l’Auteur cède […] tous droits connus et non encore connus qui permettent et qui permettront de communiquer l’œuvre au public ». Les écrivains doivent se méfier des clauses impliquant les « droits à venir » puisqu’ils n’en connaissent pas la nature et que par conséquent, les usages les concernant ne sont pas encore instaurés et que ce consentement ne peut pas être fait de façon éclairée.
Par ailleurs, le contrat d’édition définissant la relation d’affaires entre l’auteur et l’éditeur, la question de la rémunération de l’écrivain est cœur même du processus. D’un côté, il y a les à-valoir et les redevances, qui ont un impact direct et positif sur les revenus de l’auteur, mais de l’autre, il y a ce que l’éditeur soustrait de ces redevances. Dans 50 % des contrats d’édition étudiés, l’UNEQ a constaté que l’éditeur conservait une « réserve en cas de retour ». Or, les retours de livres mettent en cause un autre intervenant de la chaîne du livre, le distributeur. Les éditeurs semblent s’inquiéter de plus en plus des retours tardifs de leurs distributeurs et veulent donc s’en protéger en augmentant les sommes gardées en réserve et en allongeant la durée de cette réserve. Selon l’UNEQ, la réserve en cas de retour ne devrait pas dépasser 10 % des redevances à verser, pour les deux premières années de publication seulement. Au-delà de ce terme, l’UNEQ est d’avis que l’auteur ne devrait pas avoir à subir les conséquences financières de rapports inexacts.
Finalement, l’UNEQ met ses membres en garde contre les clauses de droits de préférence abusifs, remarquées dans environ 40 % des contrats d’édition du corpus étudié. Dans cette situation contractuelle, bien que la nature de l’œuvre soit précisée, il s’agit néanmoins de limites jugées abusives. On pense notamment aux restrictions imposées à l’auteur quant à l’écriture d’œuvres dites similaires (dans le jargon légal : « toute œuvre du même genre », « tout ouvrage traitant du même sujet », et « toute œuvre de même nature »).
Si le droit de préférence demeure acceptable pour certains genres de publication (pensons aux ouvrages pratiques ou pédagogiques), les termes « similaire » ou « analogue » ouvrent ici la porte à une application trop vaste de ce droit. En effet, les auteurs spécialisés sur un sujet particulier se voient ainsi contraints à ne pas pouvoir publier d’autres ouvrages ailleurs. Le droit de préférence devrait également prévoir pour l’auteur la liberté d’exploitation d’une œuvre future refusée par l’éditeur (selon un délai convenable stipulé au contrat). Les restrictions peuvent aussi concerner un nombre d’œuvres ou une durée déterminée : une durée de 10 ans, par exemple, peut devenir particulièrement longue pour un écrivain insatisfait du travail de l’éditeur…
Les comportements douteux de certains éditeurs
Plusieurs écrivains se sont plaints à l’UNEQ que leurs éditeurs adoptaient des comportements hors du cadre contractuel. « Près de 20 % des appels que nous recevons à propos des litiges auteur-éditeur concernent un problème de redevances non ou mal versées », explique Geneviève Lauzon.
En effet, même si le terme et la périodicité du relevé de ventes et du paiement de redevances sont stipulés au contrat, ils ne sont pas toujours respectés. L’absence de promotion peut également poser problème, car il arrive que l’éditeur ne fasse pas connaître l’œuvre, n’invite pas l’auteur dans les salons du livre ou dans les événements, n’organise aucun lancement et n’envoie pas le livre en service de presse. Enfin, des auteurs ont informé l’UNEQ que leur éditeur avait mis en ligne un format numérique de leur livre sans les aviser ni leur demander d’autorisation.
L’UNEQ rappelle aux écrivains que tout contrat d’édition doit être discuté avant d’être signé. Lorsqu’un éditeur refuse de négocier les termes du contrat, il offre dans les faits à l’auteur un contrat dit d’adhésion. Or, les contrats d’édition doivent se conclure de gré à gré, c’est-à-dire que les co-contractants doivent pouvoir discuter librement et négocier les clauses du contrat qui les unira. Le fait que plus de 60 % des auteurs d’une première publication nous ont dit avoir signé un contrat d’adhésion inquiète beaucoup l’UNEQ, car ces contrats sont plus susceptibles de contenir des clauses abusives.
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