Prix du livre : l’analyse de l’Institut économique de Montréal (IEDM) ne fait pas le poids face aux études sérieuses

Montréal, le 7 février 2013 – L’Institut économique de Montréal fait bande à part. L’IEDM vient en effet de produire une «étude-maison» sur le prix unique du livre dont les conclusions vont à l’encontre de tout ce qui a été démontré de façon empirique dans les études sérieuses menées à ce jour sur cette question. Au lieu de s’intéresser aux faits, d’examiner les résultats des études réalisées ailleurs à partir de cas réels, l’IEDM a préféré s’adonner à un exercice purement théorique lui permettant de conclure qu’un régime de prix unique conduira notamment à un recul des ventes de livres de 14% au Québec. Or, l’expérience internationale démontre exactement le contraire.

Mais plus grave encore : l’étude de l’IEDM s’appuie sur une hypothèse de travail rigoureusement fausse qui discrédite l’ensemble de leurs prétentions. Dans l’annexe technique de l’étude,on apprend que les auteurs de celle-ci partent de l’hypothèse que «Les librairies indépendantes et les grandes chaînes offrent en moyenne 20 % de rabais sur le prix suggéré à l’heure actuelle (en supposant par exemple que les librairies indépendantes offrent des rabais entre 15 % et 20 % du prix suggéré et que les succursales des grandes chaînes offrent des rabais entre 20 % et 25 %). Les magasins à grande surface offrent en moyenne 30 % de rabais.» Or, tous ces chiffres sont faux : en réalité, quiconque connait minimalement le secteur du livre sait que les rabais sont aujourd’hui pratiquement inexistants chez les indépendants et les succursales des chaînes, alors que les rabais dans les magasins à grande surface sont en moyenne de l’ordre de 20%. L’IEDM arrive à des conclusions fausses parce que ses auteurs appliquent des théories spéculatives sur des données erronées. Navrant.

On serait en droit de poser bien des questions à l’IEDM. Pourquoi les pays qui réglementent le prix des livres n’abandonnent-ils pas cette mesure si elle est si néfaste? Pourquoi l’IEDM ne cite jamais les études les plus importantes? Pourquoi ne s’intéresser qu’aux indépendants alors que les chaînes de librairies sont également menacées à terme dans le modèle anglo-américain? Etc. Mais l’opposition de l’IEDM semble viscérale, voire déraisonnable.

Un appel à la raison

L’instauration de réglementations de prix de vente des livres s’inscrit dans une mouvance générale mondiale, déjà en place dans des pays aussi divers que l’Allemagne, l’Argentine, l’Autriche, la Corée du Sud, l’Espagne, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, le Japon, le Portugal, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas et Israël (et actuellement à l’étude dans plusieurs autres pays, dont le Brésil). À l’instar de ces pays, il est urgent que le Québec intervienne pour encadrer les guerres commerciales qui, si elles sont trop violentes, conduiront à l’effritement du réseau de revente actuel (un réseau diversifié et décentralisé composé surtout de librairies qui favorisent la diversité éditoriale) et son remplacement graduel par un oligopole de 3 ou 4 entreprises (ultimement toutes américaines). Cet oligopole pourrait alors dicter largement les conditions commerciales réservées aux éditeurs et aux auteurs d’ici, les prix de vente des livres aux consommateurs, mais aussi, les choix éditoriaux : en limitant ce qui est commercialisé aux seuls best-sellers assurés, empêchant alors la relève et les succès de demain.

Par ailleurs, une mise au point apparait nécessaire, car contrairement à ce que véhicule l’IEDM, nos associations ne réclament pas l’instauration d’un prix unique du livre au Québec! La réglementation préconisée à l’unanimité des grandes associations œuvrant dans le domaine du livre, membres de la Table de concertation du livre, ne concernerait qu’un certain nombre de titres, à savoir les nouveautés de moins de neuf mois. Et même sur ces titres des rabais allant jusqu’à 10% seraient autorisés. L’objectif de notre démarche est de limiter l’ampleur de certains types de guerres de prix qui, à terme, sont préjudiciables pour tous : écrivains, artisans du livre et lecteurs.

Il est normal que certains aient des opinions défavorables à notre projet, mais ceux-ci ont l’obligation de mener un examen approfondi de la question pour en saisir tous les angles. La complexité et les nuances heureusement trouvent écho auprès des officines dirigées par des gens qui ont une vision et une réflexion approfondie ainsi qu’auprès des élus qui ont à cœur l’intérêt public. Une commission parlementaire aura bientôt lieu et permettra de faire toute la lumière sur cette question, de faire la part de ce qui est fondé, de ce qui relève de l’apriori, de l’idéologie, de la méconnaissance; de «séparer le bon grain de l’ivraie». Rappelons qu’il s’agit d’un triple enjeu : culturel d’une part, quelque 5 000 titres étant publiés chaque année au Québec; économique et social d’autre part, plus de 12 000 emplois directs étant concernés sans compter les retombées indirectes. Par conséquent, à l’heure où les défis à la profession sont nombreux et croissants, il importe de préserver l’écosystème du livre si l’on veut dans un proche avenir qu’une création québécoise vivante et fertile, reflet de notre société, soit du domaine du possible.

Ce communiqué est signé par les membres de la Table de concertation du livre :

Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)
Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF)
Association des libraires du Québec (ALQ)
Fédération québécoise des coopératives en milieu scolaire (Coopsco)
Réseau BIBLIO du Québec
Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ)

Pour visiter notre site : noslivresajusteprix.com

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Source : Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF)