Mot de la présidente — Journée mondiale du livre et du droit d’auteur 2020
Les écrivaines et les écrivains, parents pauvres du monde culturel ?
Par Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ
La Journée mondiale du livre et du droit d’auteur (JMLDA) souligne, le 23 avril sous l’égide de l’UNESCO, l’importance de la lecture ainsi que celle des autrices et auteurs qui sont à l’origine des œuvres peuplant nos librairies et nos bibliothèques. En ces temps de pandémie, les livres permettent de combattre l’isolement des populations confinées et ouvrent des horizons imaginaires là où le quotidien devient un combat pour la survie.
Mais il y a une réalité à laquelle on s’attarde trop peu : les conditions dans lesquelles les écrivaines et les écrivains pratiquent leur métier.
D’après un sondage que l’UNEQ a réalisé auprès de ses membres, le revenu moyen d’un.e écrivain.e au Québec était de 9 169 $ en 2017, le revenu médian de moins de 3 000 $, et 90 % des répondants n’atteignent pas un revenu annuel de 25 000 $ tiré exclusivement de leurs activités littéraires. (Pour en savoir plus sur ce sondage, cliquez ici.)
Or, aucun accord collectif n’encadre les relations entre éditeurs et écrivain.e.s au Québec. Beaucoup d’autrices et d’auteurs se voient proposer des contrats d’édition par lesquels ils concèdent énormément de leurs droits aux éditeurs, pour des revenus très faibles.
De plus, la situation actuelle favorise les appels à la générosité des écrivain.e.s à qui l’on demande d’offrir leurs œuvres gratuitement. J’ai dénoncé la gratuité à plusieurs reprises dans mes « mots de la présidente » et je continuerai à le faire tant que ces pratiques déplorables persisteront.
La révision des deux lois sur le statut de l’artiste annoncée par le gouvernement du Québec en décembre dernier avait suscité de grandes espérances, pour reprendre le titre du roman de Charles Dickens. Les consultations qui devaient se dérouler ce mois d’avril ont été reportées à cause de la COVID-19, ce que nous comprenons, bien sûr, mais il est essentiel que le processus de révision reprenne dès que cela sera envisageable. Il ne faudrait surtout pas que la crise sanitaire soit une excuse pour ne pas réparer une injustice qui perdure depuis plus de 30 ans.
Car toutes les associations d’artistes et de créateurs qui sont régies par Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (LRQ, c. S-32.1) ont pu négocier depuis belle lurette des ententes-cadre avec les producteurs. Petite anecdote, avant que cette Loi ne soit promulguée en 1987, certains producteurs se plaignaient qu’elle allait entraîner leur faillite à cause des cachets trop élevés que les créateurs, artistes et techniciens exigeraient. Or, bien au contraire, cette loi a favorisé de meilleures pratiques et une professionnalisation de tous les métiers.
Pourquoi les écrivaines et les écrivains sont-ils les seuls à n’avoir pu bénéficier de telles ententes ? Pourtant, nous sommes le premier maillon de la chaîne du livre (composée des éditeurs, des distributeurs, des libraires et des bibliothèques). Sans nous, cette chaîne n’existerait tout simplement pas.
Et comment expliquer que dans une rencontre récente qui regroupait le milieu culturel et cinq ministres du gouvernement du Québec, dont la ministre de la Culture et des Communications Nathalie Roy, les écrivaines et les écrivains n’aient eu aucun représentant ? (Voyez cet article du Devoir.) Faut-il en conclure que les autrices et les auteurs sont considérés comme une « sous-catégorie d’artistes » n’ayant ni les mêmes droits, ni les mêmes avantages, ni la même écoute que les interprètes, les musiciens et les autres créateurs ? Autrement dit, les parents pauvres du monde culturel ?
L’UNEQ porte haut et fort depuis longtemps la nécessité d’une plus grande écoute chez nos gouvernants, mais également de la part de nos premiers partenaires, les éditeurs, représentés par l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL). Chaque fois que nous avons tenté de nous asseoir avec cette association — dont la majorité des éditeurs est membre —, afin de négocier une entente de bonne foi, la réponse a toujours été la même : l’ANEL prétend ne pas avoir de mandat de ses membres pour entreprendre de telles négociations.
C’est pourquoi il est vital pour l’avenir de nos écrivain.e.s et de notre littérature que le gouvernement s’assure que la révision des lois sur le statut de l’artiste permette enfin de telles négociations, qui seront à l’avantage des éditeurs ayant déjà de bonnes pratiques, et obligeront ceux qui en ont de moins bonnes à élever leur niveau de compétence.
Plus que jamais nous devons nous unir pour dénoncer une situation qui ne peut plus durer et sensibiliser l’opinion publique à notre réalité. Je vous invite à partager mon « Mot de la présidente » dans vos réseaux sociaux en y ajoutant le slogan : « Les écrivain.e.s, des artistes à part entière ! » et le mot-clic #écrivainsartistes.
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