Les mots au verrou : protéger le livre contre le piratage numérique
(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, juin 2014. Mise à jour : juillet 2015.)
Le livre sur support numérique devait fournir aux auteurs et aux éditeurs l’avantage d’une nouvelle voie de commercialisation de l’œuvre. Mais le piratage électronique est rapidement venu brouiller les cartes si bien qu’il menace la monétisation du livre comme jamais. Si la Loi sur le droit d’auteur réserve des sanctions on ne peut plus sévères aux pirates d’œuvres numériques trouvés coupables de commercialisation par mise en accusation (une amende maximale d’un million de dollars et une peine d’emprisonnement de cinq ans), pourquoi certains experts en droits d’auteur considèrent-ils comme perdu d’avance le combat de la protection de l’œuvre par mesures techniques de protection (MTP), ces verrous électroniques qui rebutent tant de lecteurs ?
Les différents dispositifs de protection du livre numérique
Avant de diffuser une œuvre littéraire par téléchargement numérique, l’éditeur s’assure de la cadenasser de MTP. On dénombre deux grandes familles de MTP, soit celles servant à contrôler l’accès et celles servant à restreindre la reproduction de l’œuvre. Si le cryptage est un processus de protection par brouillage qui rend le livre illisible ou imperceptible, à moins d’avoir une clé de décryptage, le tatouage numérique protège l’œuvre en incorporant de l’information en filigrane.
Malgré ces efforts, les MTP sont loin d’immuniser le livre contre le piratage. C’est qu’en se lançant sur l’autoroute électronique, l’industrie du livre s’expose, comme l’ont fait avant elle les industries du cinéma et de la musique, à un fléau de piratage par téléchargements illégaux principalement dû au fait que les MTP sont plutôt faciles à contourner par les âmes malveillantes. Souvent suivi d’une diffusion gratuite sur des sites de partage porte-à-porte, le phénomène se traduit par d’importants manques à gagner en frais de revenus pour les créateurs.
Plus encore, selon une étude menée par les spécialistes en droits d’auteur, Me Nicolas Sapp et Me Jean-Sébastien Rodriguez-Paquette de la firme ROBIC de Québec, plusieurs utilisateurs critiquent vivement les dispositifs de protection jugés trop restrictifs et envahissants, ce qui a pour effet de réduire le plaisir de la lecture et la satisfaction des consommateurs.
Ajouter une clause « MTP » au contrat d’édition
Dans leur étude Les déboires des mesures techniques de protection dans l’industrie du divertissement ou le droit vs la technologie : un combat perdu d’avance !, les avocats Sapp et Rodriguez-Paquette expliquent que malgré les critiques, les MTP sont ici pour rester, pour peu qu’ils soient bien adaptés et ne briment pas l’expérience des utilisateurs. « L’usage du tatouage numérique pourrait se révéler être une solution parfaite en l’occurrence, puisqu’elle est invisible pour les consommateurs et que son efficacité est relativement grande », expliquent-ils.
Me Véronyque Roy, avocate spécialisée en droit du divertissement, considère qu’il « serait normal, depuis les amendements récents à la Loi sur le droit d’auteur, de prévoir au contrat d’édition que l’éditeur s’engage à utiliser une MTP afin de protéger l’œuvre accessible sur Internet. Le logo Copypright © n’est plus suffisant pour protéger les œuvres en ligne, comme le précise la Loi sur le droit d’auteur. Elles doivent maintenant être dotées d’une MTP afin d’assurer une protection adéquate, respectueuse de la Loi sur le droit d’auteur ou d’un avis très clair. »
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