Examen de la Loi sur le droit d’auteur : ce qu’il faut savoir

En 2012, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a introduit de nombreuses modifications à la Loi sur le droit d’auteur pour (soi-disant) la « moderniser ». Ce gouvernement a aussi obligé le législateur à examiner la Loi tous les cinq ans. Cet examen a débuté au printemps 2018. Quatre ans plus tard, une réforme de la loi se fait toujours attendre… Voici un tour d’horizon, aussi vulgarisé que possible, des enjeux qui concernent le métier d’écrivain.

 

Table des matières

Toronto : une bibliothèque et des photocopieurs

Les éditeurs CCH Canadienne, Thomson Canada et Canada Law Book, qui publient des recueils de jurisprudence et divers ouvrages juridiques, ont déposé en 1993 une poursuite judiciaire contre le Barreau de l’Ontario pour viol du droit d’auteur. Ce qui a déclenché le litige ? Des photocopieurs dans une bibliothèque du Barreau, la Grande bibliothèque d’Osgoode Hall.

Dans cette bibliothèque, il était possible d’obtenir sur demande des photocopies de textes juridiques, transmises par la poste ou par télécopieur. Les usagers pouvaient également utiliser des photocopieurs libre-service.

Le Barreau a nié toute responsabilité en soutenant qu’il n’y a pas de violation du droit d’auteur lorsqu’un seul texte (un jugement, une loi, un règlement, etc.) est photocopié à des fins de recherche.

La Cour fédérale a donné raison, en partie, aux éditeurs. La Cour d’appel fédérale a ensuite rejeté l’appel du Barreau. En 2003, la cause s’est retrouvée en Cour suprême.

Extrait du jugement du plus haut tribunal du pays, en 2004 :

L’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur prévoit que l’utilisation équitable d’une œuvre aux fins de recherche ou d’étude privée ne viole pas le droit d’auteur. Il faut interpréter le mot « recherche » de manière large afin que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment restreints, et la recherche ne se limite pas à celle effectuée dans un contexte non commercial ou privé.

Expressions clés à retenir : « utilisation équitable » et « droits des utilisateurs ».

Comme l’a souligné Le Journal du Barreau (du Québec) en 2004 : « Tous les principes énoncés ou confirmés dans cet arrêt de la Cour suprême sont susceptibles de servir de précédents dans des circonstances similaires. »

Ce jugement historique aura des répercussions importantes. Et les écrivains, artistes, créateurs, etc., en feront les frais.

Deux projets de loi

Le 2 juin 2010, le gouvernement de Stephen Harper a présenté le projet de loi C-32 modifiant la Loi sur le droit d’auteur. De novembre 2010 à mars 2011, le Comité législatif chargé de l’étude du projet de loi a tenu 20 audiences et entendu plus de 100 témoins. De nombreuses associations d’artistes sont montées aux barricades.

Dans le mémoire que l’UNEQ a déposé le 10 février 2011 au Comité législatif chargé du projet de loi C-32, l’enjeu est exposé d’emblée :

Le projet de loi C-32 tente, nous dit-on, d’équilibrer les droits des auteurs et les intérêts des consommateurs. En fait, il a surtout pour effet de dépouiller injustement les créateurs de leurs revenus. Les écrivains sont particulièrement touchés parce qu’ils fournissent la matière première du système d’éducation, une matière première dont le gouvernement cherche à rendre l’accès gratuit. Si le projet de loi était adopté tel quel, l’utilisation d’une œuvre « aux fins d’éducation, de parodie et de satire » ne constituerait pas une violation du droit d’auteur, c’est-à-dire qu’on pourrait utiliser les œuvres sans le consentement de leurs auteurs et sans rémunération. Il faudrait simplement que cette utilisation soit « équitable », au sens défini par la Cour suprême en 2004 dans l’arrêt CCH.

Le projet de loi C-32 est mort au feuilleton. Des élections ont eu lieu le 2 mai 2011, reportant le gouvernement conservateur au pouvoir. Le projet de loi C-11, copie conforme du projet de loi C-32, a été déposé à la Chambre des communes le 29 septembre 2010.

Un Comité législatif chargé d’étudier le projet de loi C-11 a déposé son rapport à la Chambre le 15 mars 2012.

Dans un article intitulé « Nous souviendrons-nous du droit d’auteur ? », l’UNEQ a écrit :

(…) le parti qui nous gouverne est demeuré de marbre. Ni les mémoires, ni la pétition de plus de 12 000 signatures lancée par Culture équitable, ni les 6 400 lettres envoyées aux membres du comité législatif, ni les inquiétudes manifestées par divers intervenants à l’échelle internationale n’ont réussi à faire bouger le gouvernement dans sa volonté de saper le droit des créateurs à une juste rémunération. (…) Quel avenir, donc, pour les droits des créateurs ? Il faudra encore un bon moment avant de pouvoir discerner clairement les effets néfastes que cette réforme ne manquera pas d’avoir. Les amendements adoptés n’empêcheront pas la judiciarisation qui sera engendrée par le manque de précision de plusieurs articles du projet de loi C-11. Il reviendra dès lors aux tribunaux de trancher et d’interpréter ces dispositions rédigées dans un langage flou. Ces recours aux tribunaux exigeront des moyens financiers qui assurément ne seront pas à la portée des artistes.

Le 29 juin 2012, le projet de loi C-11 est devenu loi. Nous étions désormais plongés dans l’univers trouble de la Loi sur le droit d’auteur « modernisée »…

Ce qui a changé en 2012

En 2011-2012, l’UNEQ et de nombreux regroupements d’artistes ont mis en évidence les périls des projets de loi C-32 et C-11. Pour reprendre les termes du Mémoire de l’UNEQ de 2011, et pour s’en tenir aux excès les plus flagrants :

L’absence de définition du terme « éducation » permettra à tout organisme offrant une quelconque formation de prétendre faire partie du secteur de l’éducation et de se prévaloir du droit à l’utilisation « équitable » au sens défini par la Cour suprême en 2004 dans l’arrêt CCH. Or, cette définition donne aux exceptions une portée très large en faveur des utilisateurs.

Il faudra alors, dans les cas où ils s’estimeront lésés, que les écrivains demandent aux tribunaux de se prononcer, et ce, à leurs frais, ce qui engendrera une série de sagas judiciaires pour des années à venir ainsi qu’un sentiment d’insécurité, tant chez les créateurs que chez les utilisateurs.

Le gouvernement a également légalisé l’utilisation de contenus protégés par des usagers qui souhaitent s’en servir, voire les modifier, afin de créer une œuvre nouvelle diffusée numériquement sans but lucratif. La volonté du gouvernement de reconnaître une pratique de plus en plus répandue, notamment sur des sites web comme YouTube, ignore complètement la notion de droit moral. En effet, nombre de contenus générés par les utilisateurs détournent et trahissent l’esprit des œuvres utilisées, ce que même la mention de la source ne peut réparer. Une telle exception annule le droit de l’auteur à préserver l’intégrité de son œuvre, qui est à la base des droits moraux.

L’absence d’élargissement des redevances pour la copie privée aux nouveaux supports, dont les mémoires numériques (baladeurs numériques, liseuses, disques durs, clés USB, etc.), vient contredire l’un des objectifs des projets de loi C-32 et C-11, soit la modernisation de la loi et sa mise à jour afin de répondre aux défis du numérique.

Les dommages et intérêts préétablis dans la Loi sont tellement minimes qu’ils perdent tout effet dissuasif : « dans le cas des violations commises à des fins non commerciales, pour toutes les violations — relatives à toutes les œuvres données ou tous les autres objets donnés du droit d’auteur —, des dommages-intérêts, d’au moins 100 $ et d’au plus 5 000 $, dont le montant est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence. » (Article 38.1 b) Cela signifie dans les faits qu’un écrivain dont les œuvres ont été reproduites et utilisées sans son consentement et sans rémunération, à des fins non commerciales, pourra recevoir un maximum de 5 000 $ et ce, après avoir payé des frais juridiques qui risquent de dépasser largement cette somme. Ce qui dissuade les artistes à défendre leurs droits et encourage la contrefaçon.

Bonjour les dégâts…

Avant 2012, les institutions d’enseignement collaboraient sans peine avec deux sociétés de gestion collective du droit d’auteur spécialisées dans l’édition : Copibec au Québec et Access Copyright ailleurs au pays. Ces deux organismes sans but lucratif ont pour mandat de verser aux auteurs des redevances perçues auprès des utilisateurs de leurs œuvres, notamment le milieu de l’éducation, les bibliothèques, les gouvernements, etc., grâce à des licences de reproduction.

Prenons le cas d’un professeur qui veut utiliser plusieurs extraits d’œuvres dans son cours, avec des photocopies. Au lieu de contacter lui-même chaque auteur ou éditeur pour lui demander la permission de reproduire une œuvre et négocier un tarif pour chaque utilisation, son institution d’enseignement confie tout le boulot à Copibec ou Access Copyright, ce qui facilite la gestion des droits d’auteur.

À noter, Copibec a été fondée en 1997 par l’UNEQ et par l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) après plusieurs années de lutte contre le « photocopillage ».

Les sociétés de gestion collective ont fait leurs preuves, assurant l’accès aux contenus sans poser d’entraves aux utilisateurs tout en garantissant des revenus aux créateurs. (Et il n’y a pas que Copibec et Access Copyright ; il existe des sociétés de gestion pour les arts visuels, le multimédia, l’audiovisuel, la musique, le théâtre, etc.) Mais les nombreuses exceptions introduites dans la Loi en 2012 ont rendu gratuits plusieurs usages qui, jusqu’en 2012, étaient gérés par des sociétés de gestion collective.

Après l’adoption de la Loi en 2012, Copibec s’est inquiétée d’éventuelles pertes de revenus pour les titulaires de droits. En 2014, il était déjà possible de mesurer ce recul. De 2012 à 2014, les ayants droit représentés par Copibec ont perdu 4 millions $ en redevances.

En 2014, au Canada anglais, 28 universités n’ont pas renouvelé leurs licences avec Access Copyright et ont modifié leur politique du droit d’auteur en fonction du concept d’utilisation « équitable », selon des critères qui n’ont jamais été fixés ni par le gouvernement, ni par les tribunaux.

En juin 2015, une étude menée par PricewaterhouseCoopers (PWC) sur l’impact économique de l’exception dite équitable sur les écoles élémentaires, secondaires et post-secondaires du Canada anglais a révélé que « l’industrie de l’édition éducative au Canada a subi un impact négatif important. Les revenus de licence sont considérablement réduits. Les revenus des ventes connaissent une baisse accélérée. » Dès janvier 2013, les provinces canadiennes (sauf le Québec) et de nombreuses institutions d’enseignement ont cessé de payer des redevances pour les droits de reproduction, note PWC. Ces redevances représentaient 20 % des revenus d’écriture des auteurs et 16 % des bénéfices des éditeurs.

En novembre 2015, l’International Federation of Reproduction Rights Organisations (à Bruxelles, qui fédère des sociétés de gestion collective comme Access Copyright et Copibec), s’est alarmée des changements apportés en 2012 à la loi canadienne sur le droit d’auteur :

Rightholders were correct to anticipate that the changes to the fair dealing provisions would lead to user interpretations that would jeopardise rightholders’ existing and future revenue streams. Canada’s new fair dealing for “education” provision departs from the internationally recognised norms that Canada acknowledges in the preamble to the amending legislation, could breach Canada’s international commitments, and has exposed Canada to complaints from rightholders and their organisations worldwide.

L’Université Laval vs Copibec

À Québec, en mai 2014, l’Université Laval a décidé de ne pas renouveler sa licence avec Copibec, préférant se doter de sa propre politique du droit d’auteur. Selon cette politique, l’utilisation « équitable » permet de reproduire un « court extrait » allant jusqu’à 10 % d’une œuvre sans demander la permission et sans verser de rémunération. L’institution reproduisait alors annuellement plus de 11 millions de pages tirées de plus de 7 000 œuvres québécoises, canadiennes ou étrangères.

L’initiative de l’Université Laval n’a pas été imitée par d’autres universités québécoises, heureusement.

Avant et après l’adoption de la Loi en 2012, plusieurs craignaient que la confusion autour de la notion d’utilisation « équitable » mène à la judiciarisation des rapports entre les utilisateurs des œuvres et les créateurs. Ce qui s’est avéré.

Dès 2011, à Toronto, l’Université York a abandonné sa licence avec Access Copyright pour privilégier ses propres lignes directrices sur l’utilisation « équitable ». Access Copyright a répliqué par une poursuite judiciaire visant à faire exécuter le tarif provisoire émis par la Commission du droit d’auteur du Canada en 2010. (Cette Commission est un tribunal administratif qui peut approuver certains tarifs de redevances.)

Un cas similaire, litige opposant le ministère de l’Éducation de l’Alberta à Access Copyright et impliquant la Commission du droit d’auteur, a été jugé par la Cour suprême le 12 juillet 2012. La Cour a demandé que la cause soit réentendue par la Commission, mais a indiqué que la distribution de photocopies d’œuvres à des étudiants peut être considérée comme une utilisation « équitable ».

En novembre 2014, Copibec a déposé devant la Cour supérieure du Québec une demande d’action collective au nom des milliers d’auteurs et d’éditeurs québécois, canadiens et étrangers dont les œuvres ont été reproduites sans permission par l’Université Laval.

Quelques jours plus tard, l’UNEQ a publiquement soutenu Copibec dans sa poursuite contre l’Université Laval.

Ce bras de fer juridique a connu des rebondissements. Le 26 février 2016, Cour supérieure du Québec a d’abord refusé d’autoriser l’action collective que souhaitait entreprendre Copibec contre l’Université Laval. Près d’un an plus tard, le 8 février 2017, la Cour d’appel du Québec a autorisé l’action collective. La poursuite a enfin été déposée le 13 mars 2017 devant la Cour supérieure.

Le 12 juillet 2017, la Cour fédérale a rendu un jugement dans la cause qui opposait Access Copyright à l’Université York. Cette décision a représenté une victoire pour les créateurs et les éditeurs puisque la Cour a conclu que les lignes directrices de l’Université York en matière d’utilisation équitable d’une œuvre dans un contexte d’éducation ne satisfont pas aux critères établis par la Cour suprême du Canada. Il s’agissait de la première décision portant sur la validité de ces lignes directrices adoptées par de nombreux établissements d’enseignement, dont l’Université Laval, afin de ne plus payer de redevances de droits d’auteur.

Cette embellie, au Canada anglais, a malheureusement été de courte durée. L’Université York a porté le jugement en appel.

Le 16 février 2018, coup de massue : toutes les commissions scolaires de l’Ontario ainsi que les ministères de l’Éducation de toutes les provinces sauf le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont déposé une poursuite judiciaire contre Access Copyright sous le prétexte qu’ils ont payé des redevances en trop durant les années 2010-2012.

Derrière cette poursuite se profile le Conseil des ministres de l’Éducation (CMEC), organisme intergouvernemental qui promeut des « lignes directrices » sur l’utilisation dite « équitable » en milieu scolaire — pour en savoir plus, cliquez ici.

Le CMEC a même créé un site web « qui aide le personnel enseignant à décider si la disposition relative à l’utilisation équitable permet une utilisation en classe de ressources imprimées, d’œuvres artistiques ou de ressources audiovisuelles sans qu’il n’ait à obtenir la permission préalable du titulaire du droit d’auteur ». (Pour consulter ce site web, cliquez ici.)

À souligner, le CMEC comporte un Consortium du droit d’auteur qui soutient la disposition relative à l’utilisation équitable à des fins éducatives dans la Loi sur le droit d’auteur. Ce Consortium est composé des ministres de l’Éducation des provinces et des territoires du Canada, à l’exception notable du Québec.

L’examen de la Loi

Parmi les modifications apportées à la Loi en 2012, le législateur a désormais l’obligation d’examiner la Loi tous les cinq ans. (Attention, cet examen n’oblige pas le gouvernement à modifier la législation. Le gouvernement doit organiser une consultation publique, mais il peut ensuite décider de ne rien décider, de laisser la Loi telle quelle.)

Un examen que l’UNEQ attendait avec impatience en 2017 :

L’examen a pris son envol au printemps 2018. Il a été confié au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (ou Comité INDU) de la Chambre des communes. Le Comité INDU a invité le Comité permanent du patrimoine canadien à effectuer, en parallèle, une étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.

Le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie prévoyait compléter ses travaux au plus tard en 2019.

Le 23 avril 2018, Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, l’UNEQ a acheminé à tous ses membres une lettre type destinée à leur député(e) à Ottawa. Cette lettre rappelle l’importance d’une Loi sur le droit d’auteur qui protège véritablement les créateurs et qui leur permet d’obtenir des redevances équitables pour la reproduction et l’utilisation de leurs œuvres.

  • Pour télécharger la lettre type préparée par l’UNEQ, cliquez ici.

Le lendemain, au Parlement canadien, l’UNEQ a participé aux consultations et présenté un mémoire. Voici ses recommandations :

Que Patrimoine canadien, en amont, définisse précisément dans quel projet politique et de société s’inscrit la Loi et en mesure les impacts.

Que Patrimoine canadien soit étroitement impliqué dans le processus d’examen de la Loi.

Que le terme « éducation » de l’article 29 soit mieux défini afin qu’il ne permette pas une utilisation abusive des œuvres.

Que la Loi encadre l’utilisation équitable aux fins de parodie et de satire, de façon à en restreindre la portée et assurer le respect du droit moral.

Abroger les articles 29.21 (sur le contenu non commercial généré par l’utilisateur), 29.22 (sur la reproduction à des fins privées), 30.04 (sur les bibliothèques, musées ou services d’archives faisant partie d’un établissement d’enseignement) et 30.06 (sur les programmes d’ordinateur).

Définir et circonscrire les autres exceptions selon le principe suivant : toute exception ne devrait exister que dans les seuls cas où l’accès aux œuvres est impossible autrement. Une exception doit demeurer… exceptionnelle.

Élargir les redevances pour la copie privée aux nouveaux supports numériques.

Les dommages-intérêts doivent être proportionnels aux violations commises et avoir un effet dissuasif.

L’UNEQ a aussi insisté sur une vision politique large, avec des finalités claires, dont le législateur doit faire preuve :

Le gouvernement veut-il favoriser l’expression culturelle canadienne, encourager la créativité, proposer à ses citoyens d’accéder à une culture diversifiée et riche de propositions créatives libres et variées, une culture qui contribue à rehausser la qualité de vie des Canadiens, leur autonomie de pensée et leur compréhension du monde ?

À l’opposé, le gouvernement veut-il plutôt renforcer une logique de consommation au plus bas coût, laisser croire aux Canadiens qu’il est possible d’accéder gratuitement à tout contenu culturel et de le modifier à loisir, laisser le rouleau-compresseur d’Hollywood, de la Silicon Valley et des GAFA nous dicter leurs lois commerciales en appauvrissant les artistes d’ici ?

Toutes ces questions doivent orienter l’examen de la Loi sur le droit d’auteur. C’est une occasion unique de stimuler la croissance économique de l’industrie culturelle tout en responsabilisant les utilisateurs.

La consultation du 25 avril 2018 et l’intervention de l’UNEQ ont fait l’objet d’une dépêche de l’agence The Canadian Press, publiée par plusieurs médias (CTV News, National Post, Winnipeg Free Press, etc.).

Dès le début des consultations à Ottawa, des représentants du milieu de l’éducation ont déclaré (sans rire) que le droit d’auteur et la gestion collective nuisent à l’accessibilité aux œuvres, au savoir.

Ce lobby a produit plusieurs sites web et documents. Voici un échantillon :

Le professeur de droit à l’Université d’Ottawa Michael Geist, spécialiste de la propriété intellectuelle, a commenté le 25 avril dans son blogue le mémoire de l’UNEQ sur l’examen de la Loi en soutenant que la recommandation de l’UNEQ sur l’exception pédagogique, si elles était adoptée, « causerait des dommages incroyables à la liberté d’expression ».

L’UNEQ, estimant qu’opposer utilisateurs et créateurs est une manœuvre malhonnête, estimant également que nous prêter l’intention de nuire à la liberté d’expression est parfaitement injustifié, a répliqué publiquement à Michael Geist.

À l’intérieur du milieu académique, certains contredisent le discours officiel du lobby de l’éducation. Par exemple, l’écrivain et universitaire Guy Vanderhaege (St. Thomas More College, University of Saskatchewan), scandalisé par la photocopie gratuite d’œuvres dans les universités, a écrit dans son mémoire au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (24 avril 2018) : « je refuse de participer à ce vol ».

Voyez aussi le témoignage de l’écrivaine Monica Graham (Nouvelle-Écosse) :

En 2017, mon revenu net était inférieur à 10 000 $, qui comprenait 371,87 $ en droits d’auteur, pour un total de neuf livres et d’autres articles.

En 2009, avant la mise en place de la soi-disant « utilisation équitable », mon revenu net était de 20 137 $, dont 612 $ en droits d’auteur. À ce moment-là, mon œuvre réunie (qui permet de déterminer la somme versée pour les droits d’auteur) n’était que de trois livres. Aujourd’hui, avec six autres livres, dont certains livres à succès, ma rémunération du droit d’auteur est moindre, parce que le secteur de l’éducation a unilatéralement jugé juste de retenir les droits de licence du droit d’auteur.

Et le témoignage de Bernice Friesen (originaire de la Saskatchewan) :

J’ai publié plusieurs livres par l’entremise de maisons d’édition à tirage limité. Certaines années, lorsque j’ai reçu des subventions provinciales ou du Conseil des arts du Canada, j’ai gagné ma vie très modestement. En fait, je n’ai dépassé le seuil de la pauvreté qu’une seule fois, pour ma famille de quatre, parce que j’ai pu cumuler une subvention du Conseil des arts du Canada et l’argent versé par Access Copyright.

(…)

Il est tout simplement scandaleux que les universités et les conseils scolaires du Canada tentent de voler mon travail — notre travail — quand la plupart des auteurs gagnent un salaire inférieur au seuil de la pauvreté. Ce n’est très certainement pas une « utilisation équitable ».

L’éducation, un marché en péril pour les éditeurs

Il n’y a pas que des écrivains qui subissent des pertes financières depuis la Loi de 2012. Des éditeurs souffrent également de l’utilisation soi-disant « équitable ».

Le Canadian Publishers’ Council, dans son mémoire au Comité INDU, fait remarquer que

depuis la dernière réforme [de la Loi], un nombre considérable d’éditeurs canadiens ont vu leur chiffre d’affaires décliner, en bonne partie parce que, au nom de l’exception en matière d’utilisation équitable accordée au secteur de l’éducation (l’exception), les établissements d’enseignement, de la maternelle aux universités, ont pris l’habitude de reproduire gratuitement à très grande échelle les ouvrages protégés par le droit d’auteur dont ils ont besoin, ce qui a eu pour conséquence de perturber sérieusement l’industrie canadienne de l’édition : ses revenus ont baissé, des emplois ont disparu et il s’est créé moins de contenu canadien.

Les ventes de livres aux établissements d’enseignement ont baissé de 41 % de 2010 à 2016, ce qui représente une perte de 132 millions $ en six ans, relève le Canadian Publishers’ Council en citant Statistique Canada. L’organisme représentant les éditeurs ajoute :

S’il faut une preuve que l’exception accordée à l’éducation a pu avoir des conséquences négatives bien réelles, les presses de l’Université Oxford, Edmond Montgomery et McGraw Hill Education ont toutes cessé de publier du contenu pour le secteur primaire et secondaire du Canada. Les perturbations causées par cette exception les ont en effet forcées à se tourner vers d’autres marchés, ce qui veut dire que des emplois ont disparu au Canada et qu’il y a moins de ressources pédagogiques pour les élèves canadiens de la maternelle au cinquième secondaire.

  • Pour lire le mémoire du Canadian Publishers’ Council, cliquez ici.

L’éditeur Fernwood Publishing/Roseway Publishing, dans son mémoire au Comité INDU, note que « les conséquences négatives des lignes directrices sur l’utilisation équitable par le système éducatif sont autant culturelles qu’économiques. »

À un certain moment, les professeurs trouveront que le matériel qu’ils copient est désuet. Traditionnellement, les éditeurs révisaient régulièrement leurs livres pour tenir compte de la nouvelle recherche dans le domaine dans lequel les livres étaient rédigés, qu’il s’agisse d’études sociales, de physique ou de mathématiques. Comme les éditeurs ne publieront plus de matériel qui tient compte de la mission professorale actuelle et qui respecte les normes de qualité, les professeurs trouveront d’autres ressources pour leurs classes. Il sera difficile de trouver ce matériel puisque, comme nous l’avons mentionné, les coûts de la qualité et l’expertise doivent être rémunérés. Au bout du compte, ce sont les étudiants canadiens qui sont les grands perdants. Avec le temps, les écoles et les professeurs n’auront plus, ou presque, de document à copier qui reflétera une chronologie régionale ou locale.

Il s’agit clairement d’un modèle d’affaires intenable.

Tout cela a eu pour résultat dévastateur d’opposer les éditeurs canadiens indépendants aux éducateurs alors que nous avons clairement le même intérêt. Les éditeurs canadiens indépendants offrent des ressources éducatives parce que leur engagement envers l’éducation ne vise pas simplement un gain économique (mais ils doivent être payés pour leur travail afin de continuer à produire ces documents importants).

  • Pour lire le mémoire de Fernwood Publishing/Roseway Publishing, cliquez ici.

La mauvaise réputation du Canada

L’examen de la Loi a permis de constater à quel point le Canada a mauvaise réputation sur la scène internationale en ce qui concerne sa législation sur le droit d’auteur.

Dans un mémoire au Comité INDU, l’Union internationale des éditeurs (UIE, à Genève) souligne, à propos du Canada :

Il n’existe aucun autre pays industrialisé où l’éducation au sens large fait partie des utilisations équitables permises en vertu d’une exception (pas même selon les dispositions de la loi des États-Unis portant sur « l’utilisation équitable »). Au contraire, l’éducation constitue un marché légitime et important pour les éditeurs, qui ne peuvent investir que dans la production d’outils pédagogiques de qualité, précisément parce que leur investissement est protégé par le droit d’auteur. Par conséquent, l’exception relative à l’utilisation équitable qui existe au Canada entre en conflit avec l’exploitation normale des ouvrages pédagogiques.

L’Union internationale des éditeurs (UIE) est la plus importante fédération au monde d’éditeurs avec plus de 76 organisations membres dans plus de 65 pays. Au Canada, l’Association of Canadian Publishers, le Canadian Publishers’ Council et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) sont membres de l’UIE.

L’ancien directeur adjoint de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) Mihály J. Ficsor, dans une étude intitulée Conflict of the Canadian legislation and case law on fair dealing for educational purposes with the international norms, in particular with the three-step test (2018), souligne que l’utilisation équitable fait en sorte que le Canada ne respecte plus ses obligations internationales découlant du paragraphe 9(2) de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (géré par l’OMPI) ; de l’article 13 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, texte annexé à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce) ; de l’article 10 du Traité sur le droit d’auteur de l’OMPI ; ainsi que l’article 16 du Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. « Le conflit a été aggravé par l’extension de l’utilisation équitable à des fins d’éducation sans aucune spécification », indique Mihály J. Ficsor.

  • Mihály J. Ficsor, Conflict of the Canadian legislation and case law on fair dealing for educational purposes with the international norms, in particular with the three-step test (2018) — pour télécharger l’étude en format Word, cliquez ici.

Le 7 mars 2018, l’International Authors Forum (à Londres, qui regroupe près de 700 000 auteurs dans le monde, et dont l’UNEQ est membre) a écrit au président du Comité INDU de la Chambre des communes pour dénoncer l’utilisation dite « équitable » dans le secteur de l’éducation au détriment des auteurs. Cette lettre a été signée par 63 organisations d’auteurs à travers le monde :

IAF has supported Canadian authors on these issues before and had hoped that Canadian authors would see fairer remuneration by now. IAF calls for the fair dealing principle in Canadian education to be kept in check, hopefully by looking to the positive examples of extended licensing agreements established in other countries ensuring access to materials for students and remuneration for authors. IAF supports a reasonable relationship between user access and reward for the creator. Respecting this mutually beneficial relationship drives creation and creates opportunities for students to access high-quality work. Without reasonable and effective creator reward in the current context, Canadian copyright has fallen out of balance. In consideration of this, we hope that the balance of access and reward is reviewed and a new solution is found with Canadian creators.

Et en avril 2019, un rapport spécial du gouvernement des États-Unis sur la propriété intellectuelle n’est pas tendre envers l’utilisation dite « équitable » dans le secteur éducatif au Canada :

The United States remains deeply troubled by the ambiguous education-related exception added to the copyright law in 2012, which has significantly damaged the market for educational publishers and authors. While Canadian courts have worked to clarify this exception, confusion remains and the educational publishing sector reports lost revenue from licensing.

Copibec devant le Comité INDU

Le 8 mai 2018, le Comité INDU était de passage à Montréal pour une journée de consultation. Lors d’un « micro ouvert », des écrivains, des éditeurs et des artistes ont pris la parole. L’écrivaine Mélikah Abdelmoumen, notamment :

Mon dernier livre, qui connaît un bon succès et une bonne reconnaissance, m’a coûté cinq ans de travail.

Si j’en vends 1 000 (j’aurais de la chance, c’est un sacré bon chiffre au Québec), j’obtiendrai un revenu de moins de 2 500 dollars, pour cinq ans de travail. (…)

Mon seul espoir d’en tirer assez de revenus pour trouver le temps d’en écrire un autre est qu’il se retrouve au sein de programmes d’enseignement, en tout ou en partie, et diffusé au maximum…

Mais justement, le fait qu’il soit propice à l’enseignement sera précisément la raison qui fera que je n’en tirerai aucun revenu.

Le 22 mai 2018, à Ottawa, Copibec et Access Copyright ont témoigné devant le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. Frédérique Couette, directrice générale de Copibec, a déclaré :

Les revenus de licences des titulaires de droits fondent sous la pression du milieu de l’Éducation, les litiges se multiplient et s’éternisent, pendant que la valeur des œuvres de l’esprit ne cesse d’être dévaluée à chaque renégociation des licences. Ainsi, bien que Copibec ait maintenu ses frais de gestion à 15 %, la redevance payée aux auteurs, créateurs et éditeurs, a baissé de 23 % pour chaque page copiée par les universités.

(…) si rien n’est entrepris pour rectifier l’effet désastreux des modifications de 2012, la situation au Québec n’ira qu’en se dégradant avec une décroissance constante des redevances ou leur disparition pure et simple.

Accord à l’amiable avec l’Université Laval

Le 19 juin 2018, heureuse surprise : Copibec et l’Université Laval ont annoncé par voie de communiqué qu’elles « entendent mettre un terme définitif au litige qui les oppose concernant la gestion des droits des auteurs ». Une entente à l’amiable a été conclue, qui devait être approuvée par la Cour.

Les documents légaux de cette entente ont été dévoilés le 6 juillet 2018.

Pendant ce temps, Access Copyright préparait sa défense contre la poursuite déposée en février 2018 par toutes les commissions scolaires de l’Ontario et presque tous les ministères de l’Éducation du Canada. La société de gestion a répliqué avec une poursuite de 50 millions de dollars.

Access Copyright ayant soutenu que les écoles, de la maternelle à la 12e année, copient chaque année 150 millions de pages d’œuvres protégées par le droit d’auteur, un juge se demandera comment les documents protégés par les droits d’auteurs sont utilisés. À la fin de l’année 2012, en pleine fin de session scolaire, une ordonnance de la cour ordonnera donc aux enseignants de 300 écoles partout au Canada anglais de produire… sept années de matériel pédagogique ! Une situation kafkaïenne qui ne se serait pas produite si le matériel protégé par les droits d’auteurs avait été sous licence avec une société de gestion de droits.

Le 13 novembre 2018 marqua officiellement la fin du litige qui opposait Copibec et l’Université Laval depuis 2014, avec une entente à l’amiable homologuée par la Cour supérieure. L’Université Laval a également signé la licence générale des universités québécoises.

Union européenne, libre-échange canado-américain

Après une pause pendant l’été 2018, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie a repris ses travaux le 19 septembre avec des audiences dédiées aux secteurs des télécommunications, de la radiodiffusion, de la télédiffusion, etc.

Quelques jours auparavant, le 12 septembre, les députés de l’Union européenne ont voté en faveur d’une réforme du droit d’auteur qui pourrait inspirer le gouvernement du Canada. Parmi les faits saillants, les multinationales comme YouTube devront rétribuer les artistes et créateurs de contenus et un nouveau « droit voisin » du droit d’auteur permettra notamment aux éditeurs de presse d’obtenir une rémunération contre la réutilisation de leur production sur Internet.

Le 13 février 2019, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil représentant les 28 états membres de l’Union se sont entendus sur une version commune du texte de la directive sur le droit d’auteur. La directive a été adoptée par le Conseil des 28 États membres et par le Parlement européen le 26 mars 2019. Le 15 avril 2019, la Commission du Conseil et du Parlement européen a annoncé la validation définitive de la réforme du droit d’auteur européen.

Par la suite, les 28 pays membres de l’Union européenne auront environ deux ans pour transposer ce texte dans leurs lois nationales sur le droit d’auteur.

  • Pour en savoir plus, voir l’article de Wikipédia.

À la fin du mois de septembre 2018, le Canada et les États-Unis ont négocié une nouvelle entente commerciale qui remplacera l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Selon ce nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), le droit d’auteur s’appliquera pendant 70 ans après le décès de l’auteur au Canada, et non plus les 50 ans de la loi canadienne sur le droit d’auteur.

Une publication spécialisée en droit précise :

Dans le cadre de la période de transition, le Canada dispose de deux ans et demi à compter de la date d’entrée en vigueur de l’AEUMC pour modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de refléter la prolongation de la durée du droit d’auteur. D’autres dispositions de l’AEUMC suggèrent qu’elle pourrait entrer en vigueur au plus tôt au printemps 2019, et plus probablement encore avant le second semestre de 2019, ce qui donnerait au Canada jusqu’à la fin de 2021 ou le début de 2022 pour modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de prolonger la durée du droit d’auteur.

Le métier d’écrivain en voie de disparition

Le 22 octobre 2018, la Writers’ Union of Canada a dévoilé les résultats d’un sondage mené auprès de 1 499 écrivains canadiens (dont la majorité vivent en Ontario et en Colombie-Britannique). Ces écrivains ont vu leurs revenus provenant de l’écriture fondre de 27 % au cours des trois dernières années et de 78 % au cours des 20 dernières années (en tenant compte de l’inflation). Bien que l’édition de livres soit une industrie de près de 2 milliards $ au pays, il est maintenant presque impossible pour les écrivains professionnels de gagner leur vie uniquement avec leur plume, souligne la Writers’ Union of Canada.

L’organisation précise : « les récents changements apportés à la Loi sur le droit d’auteur, largement interprétés à tort comme une exemption pour l’éducation, ont eu un impact négatif sur les revenus des écrivains. Les répondants ont indiqué que leur revenu provenant d’Access Copyright avait diminué au cours des trois dernières années, avec une diminution moyenne de 42 %. »

Le 26 novembre 2018, l’UNEQ a dévoilé les résultats d’un sondage similaire mené auprès de ses membres pendant l’été 2018.

Les écrivains québécois ont beau se démener pour écrire des livres, les faire publier et les promouvoir, participer à des événements tels que des lectures publiques et des conférences, le revenu qu’ils tirent de ces activités n’atteint que 9 169 $, en moyenne. Et le revenu littéraire médian est inférieur à 3 000 $.

Plus du quart (27 %) des répondants ont subi une perte de revenus provenant de Copibec et d’Access Copyright depuis 2014. Pour l’UNEQ, cette érosion des droits de reproduction a été provoquée par les modifications à la loi fédérale sur le droit d’auteur ; de nombreuses exceptions introduites dans la loi ont rendu gratuits plusieurs usages qui, jusqu’en 2012, étaient gérés par des sociétés de gestion collective, notamment dans le secteur de l’éducation.

Aux États-Unis, la situation est tout aussi préoccupante. Un sondage mené auprès des membres de l’Authors Guild et de 14 organisations d’auteurs démontre que revenu médian des écrivains n’était que de 6 080 $ in 2017, en baisse de 42 % comparativement au revenu médian de 2009.

L’étude du Comité permanent du patrimoine canadien

Retournons aux travaux de la Chambre des communes.

Le 10 avril 2018, à la Chambre des communes, le Comité permanent du patrimoine canadien avait lancé une étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs dans le contexte du droit d’auteur, à la demande du Comité INDU. Cette étude s’est poursuivie à la session d’automne.

L’UNEQ a été invitée à témoigner le 29 novembre 2018 devant le Comité permanent du patrimoine canadien.

Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ, et Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ, ont notamment attiré l’attention des membres du Comité sur un phénomène nommé « Controlled Digital Lending ». Des sites web américains qui se qualifient de « bibliothèques virtuelles » numérisent des livres provenant de bibliothèques publiques et universitaires pour ensuite les prêter aux internautes. Ces sites web exploitent une brèche que l’on retrouve dans plusieurs législations nationales sur le droit d’auteur, dont la loi canadienne : l’utilisation dite « équitable ».

Mais le « Controlled Digital Lending » n’a rien d’équitable. Il s’agit en réalité d’un vaste programme de numérisation et de distribution en ligne de livres protégés par le droit d’auteur, sans autorisation des ayants droit, au mépris des principes fondamentaux du droit moral et de la rémunération pour l’utilisation des œuvres.

Ce phénomène concerne des écrivains canadiens et québécois.

Le 14 décembre 2018, un regroupement de plus de 30 organisations représentant des éditeurs, des auteurs et des artistes (dont l’UNEQ) a fait parvenir au Comité permanent du patrimoine canadien et au Comité INDU un document qui relève les déclarations inexactes ou délibérément fausses qui ont été régulièrement répétées devant ces comités par des représentants du secteur de l’éducation au Canada anglais (au nom des universités, bibliothèques, étudiants, etc.).

Nous sommes préoccupés par les déclarations inexactes et trompeuses des opposants au droit d’auteur présentés comme des faits, dont la plupart ont été réfutés devant la Commission du droit d’auteur du Canada et la Cour fédérale du Canada. Malheureusement, ils peignent une fausse image des pratiques éducatives actuelles et minimisent l’impact sur les créateurs et les éditeurs canadiens.

« Controlled Digital Lending » et campagne Une vie sans art, vraiment ?

Le « Controlled Digital Lending » est revenu dans l’actualité en janvier 2019 lorsque l’Authors Guild (la plus ancienne et la plus importante organisation professionnelle d’écrivains et de rédacteurs et des États-Unis) ainsi que la Society of Authors du Royaume-Uni ont dénoncé les pratiques des organisations américaines Internet Archive et Open Library. La Society of Authors a même menacé d’entreprendre une poursuite judiciaire.

Le 29 janvier 2019, l’UNEQ a invité les écrivains québécois à signer les lettres ouvertes de l’Authors Guild et de la Society of Authors contre le « Controlled Digital Lending » — cliquez ici.

Et le 13 février 2019, l’UNEQ a rejoint une coalition de 36 organisations nationales et internationales signataires d’un Appel aux lecteurs et aux bibliothécaires de la part des victimes du « prêt numérique contrôlé »cliquez ici.

Parmi les signataires de l’Appel figurent les sociétés canadienne et québécoise de gestion collective de droits de reproduction Access Copyright et Copibec, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), The Writers’ Union of Canada (Toronto), l’Authors Guild (États-Unis), la National Writers Union (États-Unis), la Society of Authors (Royaume-Uni) et l’International Authors Forum (à Londres, dont l’UNEQ est membre).

Ce qui serait le premier procès au monde contre le « Controlled Digital Lending » s’est ouvert en Allemagne au printemps 2019. Une maison d’édition allemande, dont plusieurs ouvrages sont disponibles gratuitement dans le site web américain Internet Archive, a intenté une action en justice. La plateforme internet a affirmé qu’elle n’est soumise qu’au droit d’auteur américain ; l’éditeur a rétorqué que les tribunaux allemands sont compétents au plan international, car le contenu du site web Internet Archive est accessible en Allemagne et les œuvres qui font l’objet du litige ne sont pas encore dans le domaine public.

Le 23 avril 2019, Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, 16 organisations représentant plus de 200 000 artistes et créateurs (dont l’UNEQ) ont lancé la campagne Une vie sans art, vraiment ? Cette initiative commune vise à sensibiliser le grand public et les décideurs à travers le Canada à l’importance des droits d’auteur pour assurer la survie de l’art et une juste rémunération des créateurs.

À l’aube des élections fédérales, les organisations derrière la campagne Une vie sans art, vraiment ? souhaitent que la Loi sur le droit d’auteur soit renforcée afin d’assurer un juste équilibre entre l’accessibilité des créations et la protection des artistes. Concrètement, les organisations demandent :

  • d’obliger les fournisseurs d’accès Internet à contribuer davantage à la rémunération des créateurs ;
  • de prévoir des sanctions dissuasives en cas d’utilisations abusives ;
  • de réduire le nombre d’exceptions prévues par la Loi et de mieux les définir ;
  • de mieux définir les notions d’éducation et d’utilisation équitable dans la Loi ;
  • d’adapter les dispositions législatives aux réalités technologiques du marché en incluant, notamment, les enregistreurs audionumériques, les tablettes électroniques et les téléphones intelligents dans le régime de copie privée ;
  • d’appliquer les mêmes réglementations pour les services en ligne étrangers que pour les services canadiens, notamment en termes de fiscalité et de contribution au financement du milieu culturel.

Les organisations derrière la campagne : Association des professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ) ; Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD) ; Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) ; Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ) ; Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ) ; Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) ; Société des auteurs et compositeurs dramatique (SACD) ; Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) ; Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) ; Société civile des auteurs multimédia (SCAM) ; Société de gestion collective de l’Union des artistes (ARTISTI) ; Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) ; Société québécoise des auteurs dramatiques (SoQAD) ; Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) ; Union des artistes (UDA) ; et l’UNEQ.

Le Comité permanent du patrimoine canadien dévoile son rapport

Le 10 avril 2018, à la Chambre des communes, le Comité permanent du patrimoine canadien avait lancé, à la demande du Comité INDU, une étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs dans le contexte du droit d’auteur.

Cette étude a été dévoilée le 15 mai 2019 (un rapport intitulé Paradigmes changeants).

En conclusion, le Comité permanent du patrimoine canadien recommande au gouvernement de légiférer en faveur des artistes, des créateurs et des citoyens :

Bien que la technologie ait évoluée, les modèles de rémunération des artistes et des industries créatives, eux, n’ont pas changé. Actuellement, les artistes ne sont pas payés adéquatement pour l’utilisation de leurs œuvres, particulièrement en ligne.

Les témoins ont demandé en très grande majorité des changements concrets qui adresserait le déclin de la classe moyenne artistique. Ainsi, les recommandations du Comité se concentre sur la modernisation des modèles de rémunération et sur l’uniformisation des règles du jeu pour les artistes et les industries créatives.

Tout au cours de cette étude, il est devenu apparent que cette question affecte non seulement les artistes mais bien tous les Canadiens.

En ce qui concerne la littérature et l’édition, le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le droit d’auteur pour préciser que les dispositions relatives à l’utilisation équitable ne s’appliquent pas aux établissements d’enseignement si l’œuvre est accessible sur le marché.

Que le gouvernement du Canada fasse la promotion d’un retour aux licences par l’entremise des sociétés de gestion.

Que le gouvernement du Canada révise, harmonise et améliore l’application des dommages-intérêts préétablis en cas de violation commise à des fins non commerciales prévus au paragraphe 38.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

Le 16 mai, l’UNEQ a accueilli plus que favorablement ce rapport, en félicitant la présidente du Comité, la députée Julie Dabrusin, et tous les membres du Comité pour la clarté du document et des recommandations formulées.

« Les 22 recommandations faites par le Comité permanent du patrimoine au gouvernement du Canada vont dans le sens des revendications des artistes. Le Comité a su écouter les nombreux témoignages des créateurs dont les revenus et le métier sont plus que jamais menacés », a déclaré Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ, par voie de communiqué.

« Ce rapport est une excellente nouvelle, mais il ne faut pas perdre de vue que l’examen de la Loi n’est pas terminé », a souligné Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. « Le Comité INDU doit lui aussi produire son rapport, qui sera déterminant, et nous avons des raisons de craindre qu’il sera moins favorable aux artistes. Les recommandations du Comité permanent du patrimoine canadien et leur excellente synthèse des enjeux ne doivent pas rester lettre morte. Les créateurs ont été unanimes à dénoncer les failles de la Loi de 2012 et à réclamer une législation forte qui protège leurs œuvres de toute forme d’utilisation abusive, le gouvernement ne peut les ignorer. »

Le Comité INDU publie ses recommandations

Enfin, le 4 juin 2019, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes (Comité INDU) dévoile son rapport, très attendu. Vive déception : les recommandations de ce rapport font fi de toutes les revendications des créateurs.

En ce qui concerne l’enjeu numéro un pour les écrivains et les créateurs, l’exception soi-disant équitable dans le secteur de l’éducation, la recommandation du Comité INDU se lit comme suit : « Que le gouvernement du Canada envisage d’aider à faciliter les négociations entre le secteur de l’éducation et les sociétés de gestion du droit d’auteur afin d’en venir à un consensus sur l’avenir de l’utilisation équitable à des fins d’éducation au Canada. » Vous avez bien lu : que le gouvernement « envisage d’aider à faciliter les négociations ». Nous sommes loin d’une proposition concrète !

Les consultations menées par le Comité INDU depuis avril 2018 ont pourtant jeté une lumière crue sur les dégâts provoqués par cette exception dite équitable en éducation.

« Au lieu de prendre la mesure des dommages causés par l’exception équitable et de proposer des solutions, le Comité INDU jette de l’huile sur le feu », déplore Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ. La recommandation 18, qui invite le gouvernement à déposer un projet de loi pour modifier l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur afin que la liste de fins visées par l’exception relative à l’utilisation équitable en soit une indicative plutôt qu’exhaustive, ouvre en effet la porte à des abus encore plus flagrants. « Une liste indicative est évidemment plus imprécise qu’une liste exhaustive », poursuit Suzanne Aubry.

De plus, le rapport du Comité INDU est une insulte au Comité permanent du patrimoine canadien.

On se souviendra qu’au début du processus d’examen de la Loi, le Comité INDU avait invité le Comité permanent du patrimoine canadien à effectuer en parallèle une étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs. Cette étude, dévoilée le 15 mai 2019, comporte 22 recommandations sensibles à la réalité des écrivains et des artistes.

L’une des recommandations clés du Comité permanent du Patrimoine, en ce qui concerne notamment les écrivains, consiste à modifier la Loi « pour préciser que les dispositions relatives à l’utilisation équitable ne s’appliquent pas aux établissements d’enseignement si l’œuvre est accessible sur le marché ». Cette recommandation reflète un consensus bien établi dans le milieu de l’édition.

Or, le Comité INDU, de son propre aveu, n’a même pas pris connaissance de cette étude avant de déposer son rapport, ignorant ainsi complètement les recommandations du Comité permanent du patrimoine canadien. C’est un geste de mépris, non seulement pour les créateurs, mais aussi pour le ministère du Patrimoine canadien qui aurait dû, au point de départ, être le maître d’œuvre du processus d’examen de la Loi sur le droit d’auteur.

Dernier clou dans le cercueil, le Comité INDU recommande que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi visant à éliminer l’obligation de mener un examen de la Loi tous les cinq ans.

Sans cette obligation introduite en 2012, les créateurs n’auraient pas eu une telle tribune pour se faire entendre à Ottawa. La Loi de 2012 n’aurait pas été publiquement disséquée, critiquée et contestée, aucun débat n’aurait eu lieu. C’eût été le règne du statu quo. Il semble que ce soit le souhait du Comité INDU, qui pourrait renommer la Loi sur le droit d’auteur la Loi sur le droit des utilisateurs.

« Le 23 avril dernier, avec 15 organisations professionnelles représentant quelques 200 000 artistes, nous lancions la campagne Une vie sans art, vraiment ? pour attirer l’attention du grand public sur les dangers de cette loi et la nécessité de la renforcer », rappelle Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. « Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que les créateurs et leurs œuvres sont plus que jamais menacés. Le gouvernement du Canada a en main deux rapports contradictoires provenant de deux comités que tout oppose. Il devra faire un choix crucial et déterminant pour exprimer sa vision de la culture dans la société canadienne. »

Le 18 juin 2019, le Comité INDU a confirmé dans un communiqué qu’il continuera à ignorer les recommandations du Comité CHPC :

En tant que maître de ses propres travaux, CHPC a plutôt choisi de présenter un rapport à la Chambre des communes et de demander au Gouvernement du Canada d’y répondre.

Examiner la Loi était la seule responsabilité d’INDU. (…)

INDU s’en tient pleinement au rapport qu’il a présenté à la Chambre des communes. Il appartient maintenant au Gouvernement du Canada de répondre à ses recommandations.

L’UNEQ, avec 15 organismes représentant environ 200 000 créateurs, a réagi le 21 juin par voie de communiqué : « Nous demandons au gouvernement de s’inspirer fortement des recommandations du Comité permanent du patrimoine canadien qui visent à moderniser la Loi et à mieux protéger les créateurs », a déclaré Laurent Dubois, porte-parole de la campagne Une vie sans art, vraiment ?

La campagne électorale canadienne de l’automne 2019 et ses suites

Des élections fédérales sont fixées le 21 octobre 2019.

La campagne #SauvonsNotreCulture, lancée le 20 août 2019 par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC, dont fait partie l’UNEQ), propose aux artistes et aux écrivains d’écrire aux candidats des élections fédérales pour leur demander de faire appliquer les politiques culturelles canadiennes aux plateformes en ligne.

L’une des revendications de la CDEC se lit comme suit : « La nouvelle Loi sur le droit d’auteur doit être adaptée à la réalité contemporaine afin que les plateformes numériques versent les droits de propriété intellectuelle à ceux qui les détiennent au Canada et que le régime de copie privée inclue les appareils technologiques qui permettent l’accès aux contenus culturels. Le nombre d’exceptions prévues par la Loi doit être réduit et les exceptions restantes doivent donner lieu à une compensation pour les créateurs. »

La CDEC a aussi analysé les plateformes des cinq principaux partis fédéraux pour mettre en évidence leurs engagements en matière de culture.

Entre-temps, L’UNEQ a signé, avec 43 organisations, une Lettre d’appui à la mise en place d’un Cadre national d’action pour la culture.

Une autre coalition dont l’UNEQ est membre, la Coalition pour la culture et les médias, a demandé aux candidats en élections de s’engager à « terminer rapidement la révision quinquennale de la Loi sur le droit d’auteur pour réduire le nombre d’exceptions qu’elle contient et ainsi la rendre plus équitable ».

Enfin, cinq associations professionnelles du secteur du livre, représentant les écrivains (UNEQ), les éditeurs (ANEL), les distributeurs (ADELF) et les libraires (ALQ, Coopsco), ont rédigé un questionnaire à l’attention des principaux partis politiques en campagne électorale.

Les réponses de presque tous les partis (le Parti conservateur du Canada n’a pas souhaité répondre) sont disponibles dans leur intégralité sur les sites web des cinq associations professionnelles du secteur du livre.

Au lendemain de l’élection qui a reporté au pouvoir les libéraux de Justin Trudeau, la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC) a invité les élus à prendre acte de l’importante mobilisation du secteur culturel pendant la campagne électorale. « La multiplication des campagnes et initiatives portant sur les enjeux culturels au cours des derniers mois témoigne d’une situation intenable pour les artistes, créateurs, professionnels et entreprises de la culture au pays : perte de visibilité des œuvres locales, chute des revenus, déclin du financement pour le développement de contenus ».

Le 20 novembre 2019, le premier ministre a confié le ministère du Patrimoine canadien au nouveau député Steven Guilbeault, une nomination saluée par l’UNEQ : « Steven Guilbeault s’est fait connaître en tant que militant engagé ayant fait de l’environnement son principal cheval de bataille. Les écrivaines et les écrivains québécois espèrent vivement que le nouveau ministre défendra les enjeux culturels avec la passion qu’on lui a toujours connue et qu’il concrétisera rapidement les engagements pris par le Parti libéral du Canada durant la campagne électorale. »

Avec la ratification de l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM), le 13 mars 2020, le gouvernement du Canada a l’obligation de légiférer pour harmoniser la protection du droit d’auteur avec le droit d’auteur des États-Unis. Le droit d’auteur s’appliquera donc 70 ans après le décès de l’auteur comme le veut la loi américaine, et non plus pendant les 50 ans de la loi canadienne. Après la sanction royale de l’ACEUM, Ottawa a 30 mois pour agir.

Le 11 février 2021, le gouvernement du Canada a lancé une consultation sur la mise en oeuvre du prolongement de la durée du droit d’auteur de 50 à 70 ans.

Dans un mémoire déposé le 12 mars 2021, l’UNEQ se réjouit que le Canada prolonge la durée du droit d’auteur de 50 à 70 ans après le décès de l’artiste, mais souhaite que la question de l’utilisation dite « équitable » à des fins pédagogiques devienne rapidement la priorité des débats et des consultations.

Access Copyright vs Université York : jugements de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême

Le 22 avril 2020, la Cour d’appel fédérale a confirmé dans un jugement la décision de la Cour fédérale du 12 juillet 2017 : les lignes directrices de l’Université York en matière d’utilisation équitable d’une œuvre dans un contexte d’éducation ne satisfont pas aux critères établis par la Cour suprême du Canada. Cependant, la Cour d’appel a également jugé que les tarifs approuvés par la Commission du droit d’auteur du Canada ne sont pas obligatoires.

Ce jugement mi-chair mi-poisson a été mal reçu par le milieu du livre.

Le 22 juin 2020, Access Copyright a déposé auprès de la Cour suprême du Canada une demande d’autorisation d’appel du jugement de la Cour d’appel fédérale du 22 avril.

La Cour suprême du Canada a annoncé le 15 octobre 2020 qu’elle entendra les appels d’Access Copyright et de l’Université York dans le cadre du litige qui les oppose depuis 2013.

Le jugement de la Cour suprême a été rendu le 30 juillet 2021. Le plus haut tribunal du pays n’a pas retenu la demande d’Access Copyright, qui réclamait un remboursement des droits d’auteur impayés, n’a pas voulu donner raison à l’Université York (qui affirme que sa politique est « équitable »), mais a aussi refusé de définir ce qui représente une utilisation « équitable » d’une oeuvre. « Comme nous ne sommes pas appelés à trancher le fond du pourvoi de l’Université sur l’utilisation équitable, il n’y a aucune raison de répondre à cette question dans la présente affaire », indique le tribunal, qui renvoie la balle au parlement : « Il est bien entendu loisible au législateur de modifier la Loi sur le droit d’auteur s’il le juge opportun pour faciliter l’introduction d’actions en violation du droit d’auteur par les sociétés de gestion. »

À noter, le modèle québécois de gestion collective n’a pas été remis en question par la Cour.

Les élections canadiennes de 2021

Deux ans seulement après les élections de 2019, les électeurs ont été de nouveaux conviés aux urnes le 20 septembre 2021.

Pendant la campagne électorale, Copibec, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) et l’UNEQ ont exhorté les partis politiques fédéraux à faire de la loi canadienne sur le droit d’auteur une priorité en matière de culture.

Les électeurs ont reconduit un gouvernement de Justin Trudeau minoritaire. Le 26 octobre 2021, ce fut le dévoilement du nouveau conseil des ministres. Pablo Rodriguez est redevenu ministre du Patrimoine canadien et François-Philippe Champagne a conservé le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Dans un communiqué, l’UNEQ a rappelé que « le Parti libéral du Canada a formulé de nombreux engagements qui auront un profond impact sur notre secteur. Parmi les plus importants, qui pourraient améliorer considérablement les conditions de vie de nos artistes, se trouvent la réforme de l’assurance-emploi et la révision tant attendue de la Loi sur le droit d’auteur. »

Dans le budget présenté le 7 avril 2022 par la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, le gouvernement exprime sa volonté de « faire en sorte que la Loi sur le droit d’auteur protège tous les créateurs et tous les titulaires de droits d’auteur. Par conséquent, le gouvernement s’efforcera également d’assurer la durabilité de l’industrie de l’édition de livres éducatifs, ce qui comprend une rémunération équitable pour les créateurs et les titulaires de droits d’auteur. »

L’UNEQ s’est réjoui de cet engagement. Mentionner spécifiquement la nécessité d’assurer une « rémunération équitable » laisse croire que le gouvernement entend mettre fin aux conflits sur l’utilisation des œuvres dans un contexte pédagogique.

Il a été mentionné plus haut qu’à la suite de la la ratification d’un nouvel accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM), le 13 mars 2020, le gouvernement du Canada a l’obligation d’harmoniser sa protection du droit d’auteur avec celle des États-Unis, soit 70 ans après le décès de l’auteur. Au lieu d’ouvrir la Loi sur le droit d’auteur, le gouvernement du Canada a déposé le 28 avril 2022 un projet de loi C-19 intitulé Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesurescliquez ici pour le consulter.

Ce projet de loi a reçu la sanction royale le 23 juin 2022. L’ajout de 20 ans à la protection du droit d’auteur (cliquez ici) entre en vigueur le 30 décembre 2022.

À suivre…

 


Une série d’articles pour mieux comprendre les enjeux et rétablir les faits

À compter du 27 avril 2018, le directeur général de la Writers’ Union of Canada, John Degen, a publié sur son blogue une série d’articles sur l’examen de la Loi. Une lecture incontournable pour décrypter les arguments fallacieux des partisans de l’utilisation « équitable » :

 


 

Ce dossier sera régulièrement mis à jour. Restez à l’affût !

Dernière mise à jour : 7 décembre 2022.

Pour toute question, commentaire ou suggestion, contactez l’UNEQ à l’adresse ecrivez@uneq.qc.ca ou écrivez ci-dessous.