Mot de la présidente — Le 12 août, une date devenue incontournable
Par Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ
Le 29 juillet 2014, deux écrivains, Patrice Cazeault et Amélie Dubé, ont lancé sur Facebook la campagne « Le 12 août, j’achète un livre québécois ». Il s’agissait d’une initiative spontanée, sans que cette autrice et cet auteur n’aient sollicité les libraires ni aucune association du secteur du livre.
La campagne est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. Le 12 août 2014, les librairies ont été prises d’assaut. Des clients leur demandaient de prolonger les heures d’ouverture. Des librairies ont déclaré des hausses de ventes de titres québécois allant jusqu’à 50 %. À la fin d’août 2014, la Société de gestion de la Banque de titres de langue française (BTLF) a rapporté que le 12, les ventes de livres québécois avaient augmenté de 49 % et les ventes globales de 27 %, tous marchés confondus.
L’année suivante, le 12 août 2015, les ventes ont grimpé de 483 %, toujours selon la BTLF. Le 12 août 2017 : + 390 %. Le 12 août 2018 : + 341 %. Le 12 août 2019 fut une édition record avec une hausse de 905 % des ventes pour la littérature, + 531 % pour la bande dessinée et + 409 % pour littérature jeunesse. Le 12 août 2020 a connu une hausse des ventes de 599 %.
Depuis 2014, l’événement connaît donc un succès phénoménal. Les médias sont de plus en plus nombreux à proposer des suggestions de lecture, s’ajoutant aux initiatives de libraires, de clubs de lecture, et de lectrices et de lecteurs, faisant du 12 août une date incontournable pour la valorisation des livres québécois.
La réalité derrière ces chiffres
Ces résultats mirobolants ne doivent toutefois pas nous faire oublier que la situation des écrivaines et des écrivains, qui sont au cœur du succès de notre littérature, est plus précaire que jamais. Voici des chiffres moins réjouissants, tirés d’un sondage de l’UNEQ :
- en 2017, le revenu moyen tiré du travail d’écriture était de 9 169 $ ;
- le revenu médian était inférieur à 3 000 $ ;
- 25,6 % des auteurs déclaraient devoir en faire plus qu’en 2014 pour gagner leur vie ;
- 90 % n’atteignaient pas un revenu annuel de 25 000 $.
La pandémie a bien sûr renforcé cette précarité, avec l’annulation des tournées-rencontres dans les établissements scolaires, les conférences en bibliothèque, les activités en présentiel dans les salons du livre. Comme beaucoup d’artistes, les autrices et auteurs ont dû avoir recours aux prestations d’urgence offertes par le gouvernement fédéral pour passer au travers la crise sanitaire.
La nécessité d’une nouvelle loi à l’automne
Les écrivaines et les écrivains sont les seuls artistes à ne pas avoir d’entente collective pour encadrer les contrats d’édition, ce qui a pour résultat des clauses abusives et un total déséquilibre du pouvoir qui se perpétuent depuis plus de 30 ans. Les écrivaines et les écrivains sont les seuls artistes à ne pas être protégés par des recours en médiation et en arbitrage en cas de litige et à n’avoir aucun filet social, quel qu’il soit.
L’UNEQ a mené une vaste campagne pour que le gouvernement du Québec tienne sa promesse de réviser les lois sur le statut de l’artiste et que le secteur de la littérature soit intégré à la Loi 32.1 afin qu’éditeurs et producteurs négocient de façon obligatoire des ententes collectives avec notre Union. Plus de 1 000 autrices et auteurs ont signé notre lettre ouverte. La ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, a réagi très favorablement à nos demandes.
La prochaine étape est cruciale. Une nouvelle loi sur le statut de l’artiste doit être adoptée dès cet automne, pendant le présent mandat du gouvernement Legault. C’est une question de justice et d’équité.
L’UNEQ reprendra donc le flambeau à la rentrée pour obtenir gain de cause ! Soyez aux aguets, car vous serez mis à contribution à cette étape cruciale pour notre avenir.