Mot de la présidente — Fin d’une saga dont on se serait bien passé !
Par Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ
C’est avec soulagement que j’ai appris la bonne nouvelle : la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre la demande d’appel du Procureur général du Québec dans l’affaire Hansel et Gretel.
Pour mémoire, l’écrivain Yvan Godbout et les Éditions ADA avaient été arrêtés en mars 2019 et accusés de production de pornographie juvénile à la suite d’une plainte visant leur roman Hansel et Gretel, puis acquittés en Cour supérieure par le juge Marc-André Blanchard (le même qui, comme avocat, avait défendu Claude Robinson dans sa croisade contre Cinar et consorts) — voyez notre dossier.
Pour une rare fois, la Cour suprême a donné une raison pour expliquer son refus, indiquant que la question soulevée par le Procureur général ne relevait pas de sa compétence. Il est important de spécifier ici que cet appel ne remettait pas en question l’acquittement de l’écrivain et de son éditeur, mais visait à « rétablir les articles du Code criminel qui avaient été invalidés par la Cour supérieure » (source : La Presse, 22 avril 2021).
Le législateur devra refaire ses devoirs
Le jugement de la Cour supérieure avait démontré de façon éloquente le danger que représentaient ces articles de loi — introduits en 2005 afin de contrer la pornographie juvénile — pour la liberté d’expression, et le risque encouru par les créateurs de subir les foudres de la justice. Le juge Blanchard soulignait avec raison qu’il fallait établir une nette distinction entre la pornographie juvénile comme telle et une œuvre de fiction.
Il est important de rappeler ici les préjudices graves subis par l’auteur à la suite de son arrestation et des accusations qui ont suivi. Maintenant que la Cour suprême a fermé la porte à un débat théorique sur les articles de loi invalidés par la Cour supérieure, le moment est bien choisi pour que nos élus se penchent de nouveau sur ces articles, dont l’interprétation trop large a mené à cette déplorable saga judiciaire.