Élections Canada 2019 : l’industrie du livre interroge les partis sur leur politique culturelle
Montréal, 16 octobre 2019 — L’industrie du livre s’invite dans le débat électoral… faute d’y avoir été invitée.
Le 18 septembre dernier se tenait à Montréal le Grand débat pour la culture et les médias, organisé par Culture Montréal et des universités et rassemblant des candidates et candidats des partis libéral, conservateur, néo-démocrate, vert et bloquiste. Le secteur du livre n’a pas été convié à ce débat, bien qu’il représente l’une des principales industries culturelles au pays avec un chiffre d’affaires annuel de plus de deux milliards $, des milliers de nouveaux titres chaque année et une contribution incontestable à la diplomatie culturelle — le Canada sera le pays à l’honneur de la foire internationale du livre de Francfort en Allemagne en 2020, la plus importante au monde.
En réaction, cinq associations professionnelles du secteur du livre, représentant les écrivains (UNEQ), les éditeurs (ANEL), les distributeurs (ADELF) et les libraires (ALQ, Coopsco), ont rédigé un questionnaire à l’attention des cinq principaux partis politiques actuellement en campagne électorale. Ce questionnaire fait état des principales préoccupations de l’industrie du livre de langue française au Canada.
Les réponses de presque tous les partis sont disponibles dans leur intégralité sur les sites web des cinq associations professionnelles du secteur du livre. Le Parti conservateur du Canada n’a pas souhaité répondre, ce que nous regrettons.
La Loi sur le droit d’auteur : un enjeu de société
Du printemps 2018 au printemps 2019, la Loi sur le droit d’auteur a été examinée par deux comités de députés à Ottawa, comités qui ont produit des rapports et recommandations contradictoires. La balle est maintenant dans le camp du prochain gouvernement, qui devra s’engager à poursuivre l’examen de cette loi essentielle pour les créateurs en mettant en œuvre les recommandations du Comité permanent du Patrimoine canadien.
Le Bloc québécois « travaillera avec vous à ce que toute modernisation [de la loi] implique des redevances équitables pour la reproduction d’œuvres dans les établissements d’enseignement, sans toutefois que cela implique une nouvelle hausse de frais de matériel scolaire ou de frais afférents pour les étudiantes et étudiants du Québec ».
Les néo-démocrates, pour leur part, promettent de « veiller à ce que les créateurs canadiens puissent s’épanouir — ici au pays et dans le monde entier. Nous pensons que les auteurs devraient pouvoir gagner décemment leur vie en étant rémunérés équitablement pour leur travail. »
Le Parti libéral du Canada reconnait que « notre culture a besoin d’une Loi qui s’adapte au nouvel environnement numérique » et fait la promesse suivante : « Un gouvernement libéral va regarder de très près ces rapports et continuer de travailler avec le milieu culturel pour leur offrir un cadre réglementaire qui permet à nos créateurs de vivre de leur travail. »
Quant au Parti vert du Canada, il s’engage à « travailler pour que les auteurs soient rémunérés équitablement pour retrouver un meilleur équilibre dans la Loi sur le droit d’auteur, pour définir clairement les exceptions et nous assurer qu’elles seront conformes à la Convention de Berne ». (La Convention de Berne est un accord international de protection des œuvres et des droits d’auteurs.)
Rappelons que derrière la révision technique de la Loi sur le droit d’auteur se pose une véritable question de société, un enjeu politique dont peu de partis parlent. Le Canada ne doit pas céder à la tentation du tout-gratuit en multipliant les exceptions aux paiements de redevances pour les créateurs, et doit renforcer le cadre protecteur de la culture au Canada.
Augmentation des investissements en culture : quasi-unanimité
À la question « Votre gouvernement a-t-il l’intention de revoir à la hausse son aide au soutien des organismes du livre ? », la réponse est unanimement favorable, mais plusieurs partis demeurent vagues, sans détailler les demandes du secteur du livre.
Le Bloc « veut mettre en place un fonds de soutien à la création culturelle et médiatique afin de redistribuer les plus de 600 millions de dollars que le parti estime pouvoir recueillir (avec taxe GAFA et autres mesures) ».
Le Nouveau Parti démocratique fait explicitement référence au Fonds du livre du Canada et au Fonds de la musique du Canada en indiquant que « Le Fonds pour la musique a été augmenté, mais à la surprise de plusieurs, le Fonds pour les livres ne l’a pas été. Il faut que cela se produise. »
Le Parti libéral « va continuer d’investir pour donner l’opportunité aux auteurs et éditeurs canadiens de faire des affaires dans le monde entier. […] De plus, dès la première année nous allons déposer un projet de loi pour que tous les fournisseurs de contenu — y compris les géants du web — offrent plus de contenu canadien dans leurs catalogues ».
Le Parti vert « s’engage à augmenter le financement fédéral pour la culture et des organismes fédéraux qui soutiennent les arts et la culture ».
Le milieu du livre se réjouit de ces réponses qui, bien que trop générales, démontrent une volonté d’accorder davantage de financement public au dynamisme de l’industrie.
Le cas particulier des essais
Nul ne peut contester le rôle fondamental joué par les essais dans notre société. Les auteurs de ces œuvres posent un regard critique sur le monde, contribuent à nourrir des débats et sont des acteurs de la démocratisation littéraire du savoir. Or, le Conseil des arts du Canada a récemment laissé entendre que ce genre particulier qu’est l’essai ne pourrait peut-être plus jouir de son soutien financier, pour des raisons encore obscures.
Il était donc important d’interroger les partis à ce sujet. La réponse est unanime : tous les partis nous garantissent que les essais (et l’édition scientifique) seront reconnus, soutenus et appuyés.
Nous remercions les partis qui ont pris le temps, au milieu d’une campagne sans nul doute très intense, pour répondre à nos questions. Nous espérons aussi qu’ils demeureront à notre écoute entre deux campagnes électorales. Le Canada, comme tout pays démocratique et moderne, a besoin d’une industrie du livre créative, audacieuse et prospère.
Les réponses des partis
Téléchargez les réponses complètes des partis politiques aux questions des cinq associations professionnelles du secteur du livre (format PDF) :
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Source : Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), pour l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF), l’Association des libraires du Québec (ALQ) et le Réseau Coopsco.
Contact : Jean-Sébastien Marsan, adjoint à la direction générale et directeur des communications, UNEQ, 514 849-8540 poste 225 | jsmarsan@uneq.qc.ca