Programme du droit de prêt public : état des lieux
Chaque année, à la mi-février, le Programme du droit de prêt public (DPP, financé par le Conseil des arts du Canada) dédommage les écrivains inscrits pour la perte de revenus attribuable à l’utilisation gratuite de leurs livres dans les bibliothèques publiques. Ce chèque annuel varie de 50 $ à 3 000 $ environ.
En février 2018, de nombreux membres de l’UNEQ qui publient depuis plus de 25 ans ont eu la désagréable surprise de recevoir un chèque moins généreux que les années précédentes à cause d’un changement apporté par la Commission du droit de prêt public (CDPP, qui veille à la bonne marche du Programme) : plafonner à 25 ans l’échéancier des paiements et des inscriptions actives.
Ce changement a suscité de vives réactions chez nos membres, d’autant plus justifiées que les auteurs n’en avaient pas été avertis à l’avance. Ce que l’UNEQ a vivement déploré par la suite lors d’une rencontre avec les responsables de la CDPP.
Conformément à l’engagement pris dans son plan d’action 2018-2020, l’UNEQ a interpellé les gestionnaires de la Commission sur les conséquences des décisions prises en février 2018 ainsi que sur les relations entre la Commission et l’UNEQ, notamment en lien avec la représentativité.
Voici donc l’état des lieux.
L’UNEQ ne siège pas à la Commission du DPP
Premièrement, il est important de clarifier le rôle de l’UNEQ en rapport avec la Commission du DPP. En 2018, plusieurs écrivains tenaient pour acquis que l’UNEQ y disposait d’un siège. Ce n’est pas le cas. Il est important de rappeler que l’UNEQ est simplement consultée pour fournir une liste d’écrivaines et d’écrivains québécois qui sont ensuite nommés par la Commission.
Celle-ci se réunit deux fois par an (en décembre et en juin), compte 11 membres votants et quatre personnes provenant d’institutions gouvernementales (Bibliothèque et Archives nationales du Québec, par exemple).
À l’heure actuelle, trois membres votants de la Commission proviennent du Québec (et sont également membres de l’UNEQ) : Mélikah Abdelmoumen, Karoline Georges et Madeleine Stratford. Ces membres représentent une communauté d’écrivains francophones à la Commission, ce ne sont pas des déléguées de l’UNEQ.
Nous avons malgré tout tenu à clarifier le rôle des écrivains francophones de la Commission et leur lien avec l’UNEQ lors d’une rencontre avec les responsables de la Commission, car ses règles de gouvernance ne nous paraissaient pas claires et méritaient des précisions.
De fait, Mélikah Abdelmoumen, Karoline Georges et Madeleine Stratford peuvent informer l’UNEQ de décisions prises à la Commission ; elles peuvent recevoir notre avis et le porter devant la Commission. Mais les membres de l’UNEQ ne doivent pas se méprendre, l’UNEQ ne siège pas à la Commission. La gouvernance de cet organisme ne le prévoit pas et ne le souhaite pas.
La limite de 25 ans
L’an dernier, l’UNEQ a informé ses membres des raisons qui ont mené la Commission du DPP à instaurer cette limite de 25 ans — pour lire ce texte, cliquez ici.
Pour mémoire, revoici les motifs de la Commission :
- Le nombre d’œuvres à indemniser augmente constamment — il y a eu environ 6 000 nouveaux titres en 2017-2018, soit une hausse de 20 %.
- Les œuvres les plus récentes, particulièrement populaires dans les bibliothèques publiques, sont les plus susceptibles de voir leurs ventes diminuer à cause du prêt public. Par souci d’équité et pour garantir la disponibilité des fonds à verser aux auteurs d’œuvres récentes ainsi qu’aux nouveaux inscrits, une limite de 25 ans a été instaurée.
- De plus, le Programme du DPP indemnisera les livres numériques et audio en 2019 — on y reviendra plus bas —, ce qui nécessite des fonds supplémentaires.
Notez qu’une œuvre qui a dépassé les 25 ans d’inscription active au Programme du DPP et qui est publiée dans une nouvelle édition sera considérée comme une nouvelle inscription, donc indemnisée (à condition que cette nouvelle édition comporte un nouveau numéro ISBN).
Il est évident que la Commission du DPP ne fera pas marche arrière sur la limite des 25 ans. Même si nous pouvons comprendre le raisonnement qui a mené à cette mesure, nous n’avons pas approuvé la démarche du Programme en 2018, soit mettre les bénéficiaires devant le fait accompli. C’était peu respectueux des créateurs.
Le cas du livre audio
En septembre dernier, la direction générale de l’UNEQ a reçu à Montréal la visite du gestionnaire du Programme et secrétaire général de la Commission du DPP venu l’informer de changements à venir en 2019, notamment l’indemnisation des livres numériques et audio.
Une bonne nouvelle pour les auteurs de livres numériques et audio, à première vue. Mais l’UNEQ a appris avec consternation qu’il y aura partage de l’indemnisation des livres audio avec les comédiens interprètes. Ces derniers recevront 50 % des sommes à verser.
Dans les usages actuels de l’édition, un écrivain reçoit une redevance basée sur la vente d’exemplaires de ses livres et une rémunération pour la vente de droits dérivés (traduction, représentation, adaptation, etc.). Dans la grande majorité des contrats d’édition, un livre audio est considéré comme une exploitation dérivée, non pas comme un format de publication, ce qui peut diminuer la rémunération perçue pour l’auteur.
Aussi, écrivains et comédiens québécois n’ont pas la même réalité socio-économique. Les conditions de travail des écrivains résultent essentiellement de leurs modalités contractuelles régies par la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (S-32.01). Il s’agit de contrats individuels pour lesquels il n’existe encore aucun barème minimal obligatoire. La plupart des écrivains doivent négocier eux-mêmes, de gré à gré.
Les conditions des comédiens — lecteurs ou interprètes des livres audio — sont établies au contraire par des ententes collectives en vertu d’une autre loi (la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, S-32.1) qui leur assure une rémunération minimale selon le travail effectué.
Dans le cas d’un livre audio, en quoi le comédien qui a reçu un cachet d’interprète après avoir effectué son travail aurait besoin d’une compensation pour perte de revenus à cause de la présence dudit livre audio dans les bibliothèques ? Dans ce cas, le comédien n’est pas un créateur, mais bien un interprète. Et seuls les créateurs sont admissibles au Programme du DPP.
Devant l’augmentation continue du nombre de titres inscrits au Programme, la Commission a imposé en 2018 une limite de 25 ans sur les inscriptions pour répartir les fonds disponibles d’une façon qu’elle juge plus équitable, même si cela signifie un chèque plus modeste dans la poche d’ayants droits. Soit. Mais inclure les livres audio en allouant aux comédiens 50 % des sommes à verser risque de diminuer la part des écrivains, ce qui est totalement injustifiable.
Pour toutes ces raisons, l’UNEQ a demandé par écrit à la présidente de la Commission du DPP, avant sa réunion de décembre 2018, de revenir sur sa décision relative aux livres audio applicable dès 2019 et de mener une étude sur l’impact financier d’une telle mesure avant sa mise en application. Malheureusement, la majorité des membres de la Commission ont voté en faveur du maintien de cette décision.
Nous ne sommes en rien solidaires de cette mesure. En 2019, l’UNEQ réclamera que celle-ci soit suspendue en s’adressant directement au Conseil des arts du Canada, car la CDPP semble peu ouverte à remettre en question ses décisions et à intégrer nos remarques, malgré les efforts répétés des trois représentantes de la communauté des écrivains francophones. À leurs côtés, nous ferons tout en notre pouvoir pour faire entendre la voix des auteurs et défendre leurs intérêts.
N.B. Pour s’inscrire au Programme du DPP, les écrivains doivent remplir un formulaire et fournir des pièces justificatives.
- Vous avez publié un ou plusieurs livres dans les genres admissibles et vous n’avez jamais complété votre inscription au Programme du DPP ? Cliquez ici.
- Vous avez jadis bénéficié du Programme, vous avez publié récemment et nous n’avez pas mis votre dossier à jour ? Cliquez ici.
- Pour en savoir plus sur les conditions d’admissibilité, cliquez ici.