Loi sur le droit d’auteur : Ottawa doit mettre fin à la crise
Montréal, 25 avril 2018 — Le gouvernement du Canada veut-il favoriser l’expression culturelle canadienne, encourager la créativité et une culture diversifiée ? Ou veut-il plutôt renforcer une logique de consommation au plus bas coût, autoriser l’usage gratuit de tout contenu culturel sans rémunérer les artistes ?
Ces questions doivent orienter l’examen de la Loi sur le droit d’auteur, a plaidé l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) le 24 avril devant les membres du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes, chargé de l’examen de la Loi.
Que Patrimoine canadien intervienne
En matière de droit d’auteur, Ottawa doit d’abord définir un projet de société, a soutenu l’UNEQ. La Loi sur le droit d’auteur doit s’inscrire dans une vision politique large et aux finalités claires, et ne pas se limiter à des considérations techniques.
Il s’agit d’ailleurs de la première recommandation de l’UNEQ dans son mémoire déposé au Comité. Voulons-nous une culture qui contribue à rehausser la qualité de vie des citoyens, leur autonomie de pensée et leur compréhension du monde ? Ou laissera-t-on le rouleau-compresseur d’Hollywood, de la Silicon Valley et des GAFA nous dicter leurs lois commerciales en appauvrissant les artistes d’ici ?
« L’UNEQ a réclamé que Patrimoine canadien soit étroitement impliqué dans le processus d’examen de la Loi et tienne compte des droits socioéconomiques des artistes et des écrivains », déclare la présidente de l’UNEQ, Suzanne Aubry. « Nous espérons avoir été entendus et voir les représentants de Patrimoine canadien participer activement aux travaux dans les mois à venir. »
Les écrivains de métier, une espèce en voie de disparition
Les modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur ont introduit de nombreuses exceptions, vagues à souhait, notamment dans le secteur de l’éducation, sans prévoir de rémunération pour les artistes et les écrivains.
Ces trop nombreuses exceptions ont eu comme effet de réduire les revenus des écrivains et éditeurs provenant de la gestion collective de 30 millions $ depuis 2012.
Pour l’UNEQ, toute exception dans la loi ne devrait exister que dans les seuls cas où l’accès aux œuvres est impossible autrement. Une exception doit demeurer… exceptionnelle.
Vivre de sa plume est désormais un exploit dans notre pays, et le nombre d’écrivains en mesure de travailler sereinement en sachant qu’ils recevront une juste rémunération pour leurs créations est anormalement faible. Au Canada, les écrivains gagnent 27 % moins de leur travail littéraire qu’en 1998 ; le revenu moyen qu’ils tiraient de leur plume en 2015 était de 12 879 $ et le revenu médian inférieur à 5 000 $.
Au Québec, les chiffres sont encore plus alarmants. Selon la dernière enquête d’envergure sur les revenus des écrivains québécois, basée sur des données de 2008, trois écrivains sur quatre ont dû tirer des revenus d’autres activités que la création littéraire pour subvenir à leurs besoins. En 2008, les deux tiers des écrivains québécois ont obtenu moins de 5 000 $ de leur travail de création littéraire. Seulement une trentaine d’écrivains ont déclaré un revenu de création de 60 000 $ ou plus. Le revenu médian provenant de la création littéraire n’était que de 2 450 $.
La Loi sur le droit d’auteur de 2012 est venue fragiliser un métier qui était déjà précaire. Elle a compromis le travail de négociation réalisé depuis des années avec succès par les sociétés de gestion des droits de reproduction et a déstabilisé l’industrie du livre.
« La situation est plus que sérieuse, elle est grave ! », affirme Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. « Si Ottawa ne renverse pas la vapeur, il est probable que le métier d’écrivain se limitera à quelques auteurs populaires, privant ainsi le public d’une diversité culturelle indispensable à une société qui se prétend ouverte. »
Une loi qui sape le droit moral des écrivains
Le droit moral, qui confère le droit au créateur de protéger la manière dont son œuvre est utilisée, a également souffert des modifications de 2012. Des exceptions pour le « contenu non commercial généré par l’utilisateur » ont légalisé l’utilisation de contenus protégés par des usagers qui souhaitent s’en servir, voire les modifier, afin de créer une œuvre nouvelle diffusée en format numérique et « à des fins non commerciales ».
La formulation floue de ces exceptions permet à quiconque de créer sur Internet (ou ailleurs) n’importe quelle œuvre nouvelle dérivée d’une œuvre antérieure, y compris par une traduction, une adaptation, etc., en ignorant complètement la notion de droit moral. D’ailleurs, nombre de contenus générés par les utilisateurs détournent et trahissent l’esprit des œuvres utilisées. Une telle exception annule le droit de l’auteur à préserver l’intégrité de son œuvre, ce qui est au cœur de ses droits moraux, et encourage le piratage.
De plus, l’exception de contenu généré par l’utilisateur prive également l’ayant-droit de la possibilité de tirer une rémunération de cette exploitation particulière de son droit d’auteur, alors qu’elle profite à des tiers comme YouTube, Facebook et autres multinationales.
L’UNEQ recommande au législateur d’abroger l’article de loi sur le « contenu non commercial généré par l’utilisateur » et d’élargir les redevances pour la copie privée aux nouveaux supports numériques.
⇒ Le mémoire de l’UNEQ déposé au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes est disponible sur le site web de l’UNEQ — cliquez ici.
À propos de l’UNEQ
Créée en 1977, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois regroupe plus de 1 600 poètes, romanciers, auteurs dramatiques, essayistes, auteurs pour jeunes publics et auteurs d’ouvrages scientifiques et pratiques. L’UNEQ travaille à la promotion et à la diffusion de la littérature québécoise, au Québec, au Canada et à l’étranger, de même qu’à la défense des droits socioéconomiques des écrivains.
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Source : Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)
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