Pour se comprendre : parler le même langage (3)
Signer un contrat d’édition, c’est toujours excitant. Enfin, l’œuvre à laquelle on a tant travaillé, qu’on a corrigée, révisée, remaniée, va être publiée ! D’autres que soi vont la lire, l’apprécier, la critiquer. De privée, elle va devenir publique. Mais dans quelles conditions ? That is the question, dirait Hamlet, quoique à un autre sujet.
(Troisième article d’une série sur notre Lexique des termes usuels des contrats d’édition et reddition de comptes.)
Par Danièle Simpson
Les conditions de publication sont clairement indiquées dans le contrat d’édition, du moins le sont-elles lorsque les termes employés pour les établir sont compris de la même façon par l’auteur et l’éditeur. Voici donc, en premier lieu, la définition des termes qui décrivent ce que l’auteur accepte de céder et de quelle manière. Nous verrons dans le prochain article ce que l’éditeur offre en contrepartie financière des droits que l’auteur lui permet d’exercer.
Contrat
« Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation »
(Code civil du Québec, art. 1378).
À noter : signer un contrat est un choix qui engage les deux personnes qui le signent à des devoirs réciproques. En ce qui concerne l’auteur, on peut dire qu’il a le devoir vis-à-vis lui-même de comprendre à quoi il s’engage et, par conséquent, le droit de négocier les conditions de son engagement.
Autorisation
« Droit accordé par la personne qui autorise » (Le Robert). L’autorisation permet à une personne d’accomplir un acte donné. En l’espèce, l’autorisation, par
la personne habilitée à l’accorder, donne le droit, par exemple, de reproduire un extrait de l’œuvre aux conditions spécifiées.
Consentement
Le consentement peut se définir comme la volonté d’engager sa personne
ou ses biens, ou les deux à la fois. Le contrat d’édition peut prévoir la nécessité d’un consentement écrit ou verbal. Par exemple, le contrat peut nécessiter l’obtention d’un consentement écrit de l’auteur avant l’attribution de licences de traduction à des tiers par l’éditeur.
Il est souvent fait référence au consentement de l’artiste dans certains articles de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (chapitre S-32.01). Prenons le cas précis de l’article 35 : « Un diffuseur ne peut, sans le consentement de l’artiste, donner en garantie les droits qu’il obtient par contrat de ce dernier ni consentir une sûreté sur une œuvre faisant l’objet d’un contrat et dont l’artiste demeure propriétaire. »
À noter : même si les mots semblent synonymes, ce qui les distingue, c’est que le consentement est un principe et l’autorisation est l’acte par lequel ce principe s’applique.
Cession
Transfert de certaines composantes du droit d’auteur (de l’auteur vers un éditeur) sur une œuvre tels que le droit de reproduire ladite œuvre, de l’imprimer, de
la publier dans certaines langues, sur certains territoires sur des supports donnés et de la commercialiser. La cession confère nécessairement des droits exclusifs, mais peut être d’une durée limitée ou pour toute la durée du droit d’auteur.
Il est important de préciser que, même si l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre, lorsqu’il cède par contrat ses droits à un producteur (dans le cas de l’écrivain, à un éditeur), celui-ci devient alors le titulaire du droit d’auteur. Toutefois, cette cession du droit d’auteur n’emporte pas la renonciation automatique au droit moral.
Il faut également savoir, en ce qui a trait au droit moral, qu’il n’y a violation du droit à l’intégrité que si l’œuvre est, d’une manière préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’auteur, déformée, mutilée ou autrement modifiée, ou utilisée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution.
Licence
Autorisation accordée par l’auteur au bénéfice de l’éditeur sur une œuvre qui porte sur certaines composantes du droit d’auteur tels que le droit de reproduire ladite œuvre, de l’imprimer, de la publier dans certaines langues, sur certains territoires sur des supports donnés et de la commercialiser. La licence peut être à titre exclusif ou non. La licence peut être d’une durée limitée ou pour toute
la durée du droit d’auteur.
À noter : la cession ressemble à une vente des droits (l’auteur n’est plus titulaire des droits qu’il a cédés) alors que la licence s’apparente à une location (l’auteur reste titulaire de ses droits, mais il octroie la permission à l’éditeur d’exercer les droits consentis).
Exclusivité
Droit qui ne peut être accordé à aucune autre personne que celle à qui
il est accordé selon les termes spécifiés au contrat. L’exclusivité peut porter sur un territoire, une langue, un type donné d’exploitation, etc.
À noter : l’exclusivité peut aussi porter sur l’ensemble du droit d’auteur.
Durée
Illimitée, à perpétuité, pérenne : durée équivalant à celle du droit d’auteur dans la juridiction concernée (par exemple 50 ans après le décès de l’auteur au Canada).
Limitée : durée déterminée d’une cession ou d’une licence qui n’est pas celle du droit d’auteur.
Annulation/résiliation
L’annulation invalide le contrat, comme si ce dernier n’avait jamais existé.
Par contre, la résiliation met un terme aux engagements des parties respectives au moment où elle est prononcée ou que les conditions de résiliation automatique sont remplies. (Les deux termes sont à ne pas confondre.)
À noter : la plupart des modalités de résiliation sont déjà inscrites au contrat. Celles qui ne le sont pas devront être négociées avec l’éditeur. En ce qui concerne l’annulation, dans les cas où il y a déjà eu un échange financier et/ou un travail sur le manuscrit, il y aura nécessairement des éléments à négocier entre les deux parties.
De précieuses ressources
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Le Guide de lecture et d’évaluation du contrat d’édition, que vous trouverez parmi les cours de L’auteur autonome, a pour objectif d’identifier les principaux points à considérer avant de signer un contrat d’édition : nature du contrat, rémunération de l’écrivain, œuvres futures, résiliation du contrat d’édition et invendus. Suivent, à la fin de chaque bloc d’informations, les versions idéale, acceptable et à éviter des clauses analysées. À l’aide du Guide, l’écrivain peut se faire une opinion sur la qualité du contrat qu’on lui propose et établir une hiérarchie dans ses demandes, les versions acceptables pouvant servir de Plan B…
Autre source d’informations : le chapitre III de la Loi sur le statut de l’artiste 32.01 qui traite des contrats entre artistes et diffuseurs. On détermine dans ce chapitre ce que ces contrats doivent identifier clairement et on établit les obligations des diffuseurs à l’égard des artistes. Toutefois, l’article 36 pose problème parce qu’il stipule qu’en cas de faillite du diffuseur (entendre, en ce qui concerne les écrivains, l’éditeur), le contrat qui le lie à l’artiste est résilié. Or, il semble que la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, qui est de juridiction fédérale, aurait préséance sur la loi provinciale et ne permettrait pas dans le cas du livre que les écrivains reprennent leurs droits. Les juristes ne sont pas tous d’accord sur cette interprétation, mais les tribunaux n’ont pas encore tranché le différend.
Dans le prochain article, nous verrons les termes liés à l’aspect financier du contrat d’édition. Suivront deux articles où nous reprendrons les termes analysés à la lumière des Lois et du Guide de l’UNEQ.
En attendant, n’hésitez pas à bénéficier des formations offertes par L’auteur autonome !
Tous les articles de cette série : — 1 — 2 — 3 — 4 — 5 — 6 — 7 — 8 —.
Le Lexique des termes usuels des contrats d’édition et reddition de comptes (PDF)
Le communiqué de presse sur le Lexique